Report on Torture: US Must Learn from the Past

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L’utilisation de la torture par la CIA au sein d’un réseau de prisons secrètes fait l’objet d’un rapport par un comité de surveillance. Mais les Etats-Unis ne veulent toujours pas rallier le dispositif international de prévention de la torture, pourtant si important pour crédibiliser une politique de prévention de la torture en amont. Par Mark Thomson, secrétaire général de l’APT à Genève

En 1973, lorsque James Schlesinger, directeur de la CIA, déclara à John Stennis, président des «Senate Armed Services», qu’il souhaitait l’informer d’une opération majeure imminente, le sénateur eut cette fameuse réplique: «Non, non, mon ami. Ne me dites rien. Allez-y, mais je ne veux rien savoir.» Deux ans et plusieurs scandales plus tard, les Etats-Unis ont fini par mettre en place un système de comités de surveillance. L’un de ces comités, le «Senate ­Intelligence Committee», est aujour­d’hui aux prises avec la publication d’un résumé de son rapport sur l’utilisation de la torture par la CIA au sein d’un réseau de prisons secrètes.

Les conclusions du rapport, que la présidente du comité, Dianne Feinstein, qualifie de «choquantes» et «profondément contraires aux valeurs de notre nation», ne vont probablement pas surprendre. Il semble qu’il contient des preuves indiquant que non seulement la CIA a torturé des détenus au moyen de méthodes dépassant très largement ce que le Département de la justice considère comme légal, mais aussi que le Congrès a été sciemment trompé quant à l’utilité des informations que le CIA collectait de la sorte.

Les 6000 pages du rapport complet contiennent une somme d’informations que le public a toutefois peu de chances de connaître un jour. Cependant, ce que nous savons est la démonstration que le système actuel ne fonctionne pas. Ce «Non, non, mon ami, ne me dites rien» est éloquent. Les violations des droits humains ne sauraient être ­cachées ou dissimulées. Les actes de torture perpétrés en cachette ­sapent les fondements mêmes de la démocratie et de la bonne ­gouvernance.

Que faire? Tout d’abord, l’impunité des personnes impliquées ne saurait être tolérée. Lorsque le président Reagan a ratifié la Convention des Nations unies contre la torture, il a relevé que ce geste était une occasion «d’exprimer clairement que les Etats-Unis sont opposés à la torture». L’un des éléments essentiels de cette Convention est la criminalisation de la torture et l’obligation de poursuivre en justice ceux qui la pratiquent. Si les informations dont nous disposons à présent sur les événements des dix dernières années ne débouchent pas sur des poursuites, rien ne garantit que de tels actes ne se reproduiront pas. Le président Obama a déclaré qu’il faut se «tourner vers l’avenir, et non vers le passé», mais il est nécessaire de jeter un regard en arrière pour pouvoir continuer et avancer vers un monde où la torture peut être empêchée.

Deuxièmement, les organes de surveillance doivent être renforcés. En plus de leur indépendance par rapport au pouvoir exécutif et aux services de renseignement, trois éléments sont nécessaires pour que les organes de surveillance soient efficaces: ils doivent avoir accès aux informations pertinentes; ils doivent pouvoir interroger les hauts fonctionnaires du renseignement; enfin, ils doivent pouvoir librement publier leurs conclusions et leurs recommandations. Sans ces trois conditions, personne n’est vraiment tenu d’endosser une quelconque responsabilité, et le dispositif de surveillance des agences de renseignement est voué à l’échec. Et en cas d’échec, les droits humains sont gravement menacés.

La publication du rapport du comité du Sénat constituera une étape importante, mais les luttes incessantes autour des écrits volumineux de la CIA et les efforts démesurés déployés par les services de renseignement pour empêcher l’accès aux documents et aux personnes montrent que les critères d’une surveillance efficace sont loin d’être entièrement respectés.

En sus de la surveillance par le Congrès, il faut aussi améliorer le contrôle des conditions de détention. Les mauvais traitements infligés aux détenus ne sont pas l’exclusivité des sites secrets de la CIA. De tels abus peuvent survenir – et surviennent – dans les prisons fédérales, dans les cellules des postes de police et dans les centres de détention pour migrants. Ces abus peuvent se produire dans tout lieu qui échappe à tout contrôle.

Il existe un système international pour prévenir la torture, prévu par le Protocole facultatif à la Convention contre la torture. Un système dont les Etats-Unis ne font pas encore partie. Le Congrès actuel ne va probablement pas ratifier ce Protocole, mais l’expérience de ceux qui l’ont ratifié montre qu’un système national indépendant de visite des lieux de détention permet d’empêcher la torture en amont.

Seule la mise en place d’un tel système permettra de tirer les leçons de la décennie passée. Sinon, ceux qui tournent leur regard vers l’avenir ne verront qu’une répétition du passé.

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