Dans l’Etat du Kentucky, la candidate démocrate Alison Grimes, qui est opposée au leader de la minorité républicaine au Sénat, Mitch McConnel, refuse de dire pour qui elle a voté aux élections présidentielles de 2012. Admettre qu’elle a soutenu Barack Obama pourrait lui coûter la victoire.
A deux semaines des élections de mi-mandat du 4 novembre, on ne s’empresse pas dans le camp démocrate, à demander le soutien personnel du Président dans la campagne. En dépit de son charisme incontestable, de ses deux succès électoraux plus que confortables en 2008 et 2012, le Président qui a suscité le plus d’enthousiasme et d’espoir dans l’histoire récente des Etats-Unis serait presque traité comme un pestiféré, une machine à perdre. Comment expliquer la force de cet « Obama bashing », si difficile à admettre de ce coté de l’Atlantique et tout particulièrement en France ? Notre pays ne s’était-il pas initialement demandé si un « Obama à la Française » était possible ou allait demeurer un rêve hors de portée ! Quelle est la part de critiques fondées et de reproches injustes, dans ce désamour brutal par ses concitoyens, du Premier Président noir des Etats-Unis ?
« Obama sait comment gagner une élection, il ne sait pas gouverner » me disait la semaine dernière à Washington un de mes interlocuteurs qui est démocrate et a exercé des fonctions importantes dans l’administration Bill Clinton. Il a été le premier, dès février 2009, à me faire part de ses doutes. Le Président parlait trop et agissait trop peu. L’orateur exceptionnel prenait déjà le pas sur le politique. Pour mon interlocuteur, après six années d’exercice du pouvoir, les défauts d’Obama se sont plutôt aggravés qu’atténués. Comme Georges W. Bush avant lui, Barack Obama s’est entouré pour son deuxième mandat d’hommes et de femmes choisis davantage pour leur loyauté que pour leur qualité.
Cela est particulièrement vrai me dit-il en matière de politique étrangère. Sa conseillère pour la Sécurité Nationale, Susan Rice, semble plus intéressée par le processus de décision que par le contenu de la politique étrangère. Elle est particulièrement peu visible. Le Secrétaire d’Etat John Kerry est plus présent. Mais a-t-il une pensée stratégique digne de ce nom ? Autrement dit, un Président qui a du mal à prendre des décisions, semble affaibli plus que renforcé, par l’équipe qui l’entoure. Après Robert Gates, Leon Panetta, son dernier secrétaire à la Défense multiplie, dans un livre de Mémoires qui vient de sortir aux Etats-Unis, les critiques à l’égard du Président qu’il vient de servir. Ces critiques font le délice de médias américains, ravis de voir un démocrate, critiquer ainsi son propre camp. Selon Panetta l’Amérique d’Obama était si désireuse de fermer le chapitre de sa présence en Irak, qu’elle a cédé sans trop de résistance aux pressions du gouvernement Maliki, sans se soucier des intérêts véritables des Etats-Unis, et de l’Irak. Et que dire de la valse – hésitation du Président en Syrie où, après avoir fixé une « ligne rouge » au régime de Damas, il a reculé, s’appuyant sur un vote négatif de la chambre des Communes britannique pour légitimer une non-intervention qui a été perçue dans le monde entier comme la preuve que l’Amérique n’était plus l’Amérique ?
La critique est facile, l’art surtout celui de gouverner, est toujours plus difficile.
Sur le plan international comment faire face à un Moyen-Orient qui, après l’espoir envolé du Printemps Arabe, est entré dans une phase de décomposition? Comment faire face à une opinion publique si volatile et si inquiète pour qui la menace de Daesh semble bien peu de chose par rapport à celle d’Ebola ? L’opinion américaine ne se serait-elle pas « européanisée » au sens où elle entend toujours davantage se protéger du monde, plutôt que d’agir sur lui?
Sur le plan intérieur également, comment gérer un pays qui n’a jamais été à ce point « polarisé » et qui n’a jamais connu une telle défiance à l’égard de ses gouvernants et de la politique ?
C’est ce qui explique le manque de passion à l’égard de ces élections de mi-mandat. De toute façon sauf surprise, les démocrates devraient perdre la majorité dans les deux chambres et les républicains seront à nouveau défaits lors des élections présidentielles de 2016 ! Ne sont-ils pas incapables de surmonter leurs divisions et de s’entendre sur un candidat éligible, contrairement au parti démocrate qui semble s’être déjà rallié derrière la bannière d’Hillary Clinton? Faute de pouvoir réformer un système politique à bout de souffle, dans lequel la « vétocratie » pour reprendre la formule du politologue Francis Fukuyama, l’emporte désormais sur la démocratie, l’Amérique privilégie les symboles : la première femme, après le premier noir! Candidat de l’espoir en 2009, Obama s’est trouvé incapable de contenir une culture de peur qui semble tout emporter derrière elle. Il est vrai qu’Obama, cérébral, distant, manquant remarquablement d’empathie avec tous ceux qui ne font pas partie de son premier cercle, s’est trouvé au pouvoir sans doute au mauvais moment, trop tôt par rapport à son développement personnel, trop tard par rapport à l’évolution du monde.
Et si l’Amérique, à cette double croisée des chemins, internes et externes avait eu besoin d’un Président, plus intuitif, plus optimiste, moins intellectuel ou tout simplement plus politique ? Certains aux Etats-Unis vont jusqu’à évoquer avec presque de la nostalgie la personnalité de Ronald Reagan. N’avait-il pas de plus cette qualité unique en politique qui s’appelle la chance?
Pour être juste, Obama à travers sa réforme du système de santé « l’Obamacare » a quand même changé pour le mieux la vie de millions d’Américains. L’Histoire lui en saura gré.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.