Au terme de la campagne pour les élections législatives américaines, un constat majeur s’impose : le plein effet des remaniements imposés par la Cour suprême au financement ainsi qu’à l’égalité des citoyens devant l’exercice du vote s’est fait sentir pour la première fois. Le résultat ? Lugubre !
Thom Tillis est un républicain qui convoite un poste de sénateur en Caroline du Nord. Il a ceci d’utile, si l’on ose dire, qu’il résume ce que bien des candidats de son parti et des centaines de milliers de militants pensent à propos des Noirs : les programmes sociaux ont été conçus en guise de réparations à l’esclavagisme. Parce que bon… n’eussent été ces programmes… hum… le Noir…
Ce penchant pour l’avarice raciale s’est traduit dans les États du sud, au cours des derniers mois, par un chapelet d’obstacles érigés par les élus, tous républicains, afin que les pauvres, et donc très majoritairement les Noirs, éprouvent plus de difficultés à voter demain que lors des élections antérieures. À la différence de tous les États du nord, le Wisconsin excepté, il faut désormais posséder une carte d’identité avec photo. Et quel est le document par excellence à cet égard ? Le permis de conduire. Or il se trouve, selon une enquête récente du Pew Research Center, que l’avoir net du ménage afro-américain étant très inférieur à celui du ménage blanc (5700 $ contre 113 000 $) et même du latino, la possession d’un véhicule… On devine la suite.
Ces barrières, les neuf États du sud, ceux dits de la Confédération, les ont érigées au lendemain de la décision prise par la Cour suprême le 25 juin 2013. Ce jour-là, le plus haut tribunal du pays dominé par des magistrats nommés par des présidents républicains (5 contre 4) a décrété l’abrogation de la loi sur l’égalité des citoyens devant le vote. Son argument ? La société d’aujourd’hui n’est pas celle d’il y a 50 ans. Pour mémoire, on rappellera la conclusion de Gary Orfield, codirecteur du Civil Rights Project, à une étude consacrée au sujet : « l’extrême ségrégation est désormais commune. » On insiste : la ségrégation est qualifiée d’extrême.
Cela souligné, on peut tracer la diagonale avec deux autres décisions de la Cour suprême et des résonances racistes qu’elles ont induites. Il s’agit bien évidemment du financement des campagnes et pas seulement des formations politiques. En avril dernier, ce tribunal a levé le dernier écrou qui limitait les sommes allouées par un individu à un parti, à un candidat ou à un certain nombre de prétendants. Pour faire court, on retiendra que le plafond de 123 000 $ a laissé place à une limite fixée à 6 millions de dollars. Trois ans auparavant, la Cour avait gommé tous les interdits qui empêchaient les entreprises de labourer le territoire de la politique à coups de millions. Dans les deux cas, la Cour avait avancé que toute restriction au financement était contraire à l’esprit de l’article I de la Constitution, qui garantit la liberté d’expression.
La conséquence combinée de ces verdicts s’est avérée effarante, car contraire à la qualité démocratique. En effet, ici et là et en particulier au sein des états-majors des deux partis, on a observé que des personnes ou des groupes de personnes étaient à deux doigts d’avoir autant d’influence qu’eux, si ce n’est déjà fait. À ce propos, l’exemple de David Koch qui, avec ses frères, détient la plus grosse fortune privée des États-Unis, donc du monde, est assez terrifiant. Selon une enquête de FactCheck.org de l’Annenberg Public Policy Center, l’organisation Americans for Prosperity, fondée par David Koch et administrée par des vétérans de l’administration Reagan, c’est à retenir, a dépensé 125 millions dans la présente campagne. Il s’agit d’une somme record pour un individu ou un groupe indépendant.
Il faut préciser que ce flot de dollars est allé aux candidats qui ont épousé les idées du Tea Party ou qui sont des libertariens, et non nécessairement aux républicains « classiques ». Il faut également préciser, et ce n’est pas innocent quand on sait combien les deux courants évoqués cultivent toutes les postures inhérentes au rejet du Noir, que David et ses frères sont les fils du cofondateur, dans les années 50, de la John Birch Society qui s’est distinguée du Klu Klux Klan en regroupant les aristocrates, si l’on peut dire, du racisme. Il faut enfin préciser que la finalité avouée de ces faits et gestes est la suivante : éradiquer tout héritage politique de Barack Obama, et son assurance maladie en premier.
À la chanson Masters of War de Bob Dylan, il manquait des noms propres. C’est chose faite.
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