Obama Versus China

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La Chine et les Etats-Unis cultivent tous deux une forme d’«exceptionnalisme». Vont-ils s’entrechoquer? C’est l’un des défis de la fin de la présidence de Barack Obama.

Après la large défaite lors des élections du «midterm», les deux dernières années de la présidence Obama pourraient bien être dominées par la politique étrangère. C’est un domaine où les prérogatives du président des Etats-Unis restent importantes. Et dans lequel certains de ses prédécesseurs, placés dans la même impasse sur le plan intérieur, se sont illustrés.

Dans un monde en profonde mutation, les champs d’action ne manquent pas: chaos au Proche-Orient, perpétuation absurde du conflit israélo-palestinien, crispations russes, relations avec Cuba. Partout, le rôle des Etats-Unis est en question. Ces prochains jours le dossier nucléaire iranien reviendra au premier plan. Les signaux sur l’avancée des négociations sont plutôt bons. Un accord entre Washington et Téhéran serait un tournant majeur pour l’ensemble de la région. Mais, dans ce cas précis, le Congrès, désormais entièrement contrôlé par les républicains, pourrait tout bloquer puisqu’il a la haute main sur les sanctions visant l’Iran, et donc l’éventualité de leur levée.

Alors, quelle sera la priorité de Barack Obama? John Kerry, le chef de la diplomatie américaine, a répondu le jour même de la débâcle électorale des démocrates: la relation entre les Etats-Unis et la Chine. Elle est «la plus fondamentale dans le monde d’aujour­d’hui. Elle va façonner le XXIe siècle.» Avant de partir à Pékin pour un sommet de l’APEC où le président américain rencontrera Xi Jinping et croisera Vladimir Poutine, il est opportun de flatter son hôte qui ne trouvera rien à redire à cette lecture. Alors que la Russie s’agite pour affirmer son rôle de grande puissance, c’est aussi une façon de lui rappeler quel est son véritable rang: secondaire. Et ce ne sont pas les Européens, dépourvus de véritable politique étrangère, qui pourront contester cet état de fait.

Les Etats-Unis et la Chine s’attirent tout en se méfiant de plus en plus l’un de l’autre. Pékin veut établir une relation d’un nouveau genre entre grandes puissances, sans que l’on comprenne exactement de quoi il ressort. Washington parle de rééquilibrage de ses forces vers le Pacifique. Une seule chose est claire: la position hégémonique des Etats-Unis est contestée par la principale puissance émergente de ce début de siècle.

Aux Etats-Unis, la nature de cette relation est un sujet de questionnement permanent. L’angoisse du déclin est un peu moins vive depuis que l’économie américaine redémarre alors que la croissance chinoise, elle, cale.

Roger Cohen, éditorialiste du New York Times , s’inquiétait récemment du risque de malentendus entre deux pays dont les intérêts entreront toujours plus en collision. Pour éviter le choc fatal, il est urgent de comprendre la nature de ces deux formes d’«exceptionnalisme», dit-il. Les Etats-Unis considèrent en effet devoir évangéliser le monde au nom de la liberté. La Chine n’est pas moins persuadée d’être à part, mais se contenterait de gérer son environnement proche au nom d’une certaine idée de la paix et de l’harmonie.

Le chroniqueur américain questionne à juste titre l’aspect harmonieux et paisible de la Chine. Il oublie malheureusement de s’interroger sur la remise en question des libertés par les Etats-Unis que ce soit sur son propre territoire ou à l’étranger.

Cette lecture a de quoi surprendre. Quel pays ne se considère-t-il pas comme exceptionnel – à commencer par la Suisse? Mais Roger Cohen a raison sur un point: les Etats-Unis demeurent un pays «missionnaire» tout comme la Chine et la Russie sont de nature impérialiste. A l’inverse, les Etats européens, vaccinés par les catastrophes qu’ils ont provoquées au XXe siècle, savent que toute forme d’«exceptionnalisme» est dangereuse. Leur ambition a été revue à la baisse au profit d’une forme de tranquillité. «L’Amérique et la Chine n’en feront pas autant dans un futur prévisible, c’est pourquoi leur relation doit être observée avec un certain pessimisme. Dans l’après-guerre, il n’y a pas d’exceptions aux souffrances humaines», conclut Cohen.

Engager la Chine pour éviter une confrontation tout en protégeant ses alliés démocratiques, ce sera l’un des grands défis de la fin de la présidence Obama.

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