Their Electoral Importance Is Pretty Obvious in the Long Term

<--

Pour Denis Lacorne, spécialiste de l’histoire politique américaine, Obama cherche à capter le vote hispanique et catholique :

Denis Lacorne, directeur de recherches à Sciences Po, est spécialiste de l’histoire politique des Etats-Unis.

La réforme de l’immigration est un vieil engagement d’Obama. Pourquoi n’arrive-t-elle que maintenant ?

Obama a déjà fait des tentatives. En 2013, un projet de loi qui visait à ouvrir la citoyenneté aux sans-papiers a été voté par le Sénat mais bloqué par la Chambre des représentants. Obama aurait pu retenter le coup avant les élections de mi-mandat de cette année, mais il était en difficulté et a eu peur de s’aliéner le vote des modérés. Avec le recul, il aurait peut-être dû prendre le risque parce qu’en fin de compte, il a perdu des voix chez les hispaniques, déçus de ne pas voir cette réforme arriver.

A deux ans de la présidentielle, quelle est la part de calcul électoral ?

Les hispaniques représentent 16% de la population et 10% des électeurs. En grande majorité, ils votent démocrate. Et ils sont très présents dans les swing States(Colorado, Nevada, Floride…). C’est un vivier de plus en plus important : chaque année, 800 000 hispaniques atteignent la majorité aux Etats-Unis. Sur le long terme, le calcul électoral est évident. Obama s’adresse aussi aux catholiques. Ce qui est en jeu, c’est la réunification familiale : il s’agit de régulariser les parents vivant depuis plus de cinq ans aux Etats-Unis ayant un enfant américain ou titulaire d’un statut de résident permanent. Eviter l’éclatement familial, c’est une vieille revendication de l’Eglise catholique américaine. Il n’est pas anodin qu’Obama ait cité des passages de la Bible dans son annonce.

Les républicains bloqueront-ils le vote ?

Ils sont embarrassés. La question de l’immigration est une ligne profonde de division chez eux. D’un côté, on a le Tea Party, qui entretient des fantasmes sur l’invasion de criminels et d’illettrés à la frontière. De l’autre, un courant minoritaire qui, comme Jeb Bush, pense qu’il est électoralement contre-productif de taper sur les hispaniques. Il y a aussi les lobbys de l’agriculture et du textile, qui emploient quantité de sans-papiers à bas coût et sont donc pro-immigration. Les républicains peuvent bloquer le vote du budget, mais ce serait mauvais pour leur image. Il est plus vraisemblable qu’ils cherchent à jouer sur des aspects budgétaires de la loi pour freiner sa mise en œuvre.

Cette annonce est-elle de nature à redorer le blason d’Obama dans son camp ?

La réforme ne résout pas tout. Elle ne concerne qu’une partie des 11 millions de clandestins, elle est provisoire et elle n’ouvre pas l’accès à la citoyenneté. Mais elle offre une amnistie de fait à 5 millions de personnes qui vivaient dans la peur. Obama veut laisser l’image d’un constructeur qui a pris à bras-le-corps les grands problèmes de l’Amérique. Il l’a fait avec la santé, il essaie de le faire avec l’environnement, il le fait pour l’immigration. Assurément, pour lui comme pour le camp démocrate, c’est plutôt une bonne manœuvre.

About this publication