ECB, Fed, Bank of Japan: Quantitative Easing Is Not the Same Everywhere …

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Wall Street enchaîne les records… mais depuis 10 jours, les indices américains progressent à la vitesse d’une liasse de billets qui se consume dans un grille-pain.

Prenez le Dow Jones ou le S&P 500 : ils ont pris 0,4% en six séances — dont cinq de hausse et aucun repli de plus de 0,1% à déplorer. Le moteur de la hausse semble tourner au “super ralenti”.

Si Wall Street était un Land Rover, on pourrait croire qu’il grimpe la pente tracté par son treuil électrique — et non plus grâce à la puissance de son six-cylindres.

Peut-être que cette métaphore contient plus qu’une petite part de vérité. Les opérateurs avaient de longue date anticipé que la Fed cesserait de fournir du carburant fin octobre ; ils ont commencé à quitter les gradins dès la mi-septembre, convaincus qu’il ne se passerait plus rien d’excitant sur la piste.

Et puis la banque centrale du Japon a débarqué sans prévenir avec sa grosse citerne. Elle a réinjecté 20 milliards de dollars dans le réservoir des “top fuel”, lesquels ont entamé une envolée d’anthologie (+13,5% pour le Nasdaq, +15% pour le Dow Transport).

Vous connaissez le principe des courses de dragster : une accélération digne d’un carreau d’arbalète dès que le pilote met les gaz, de 0 à 400 km/h en moins de 10 secondes… et puis le pilote libère le parachute afin de freiner l’engin. Ensuite, il n’est plus question que d’inertie puisque le réservoir du bolide contient juste de quoi parcourir les 400 premiers mètres.

La BCE y va par petits coups d’accélérateur : pas de question de libérer toute la puissance “à la japonaise”

Une fois à l’arrêt, le seul moyen de revenir au stand, c’est de se faire tracter par un 4×4… Et pour filer la métaphore, ce 4×4, c’est le cycle d’injection promis par la BCE. La BCE y va par petits coups d’accélérateur : pas de question de libérer toute la puissance “à la japonaise”, façon banzaï.

▪ L’Europe à petits pas

Mario Draghi a confirmé lundi devant le Parlement européen qu’il ferait tout pour pérenniser l’euro “whatever it takes” [“à tout prix”, ndlr.] et que les dettes souveraines faisaient partie des cibles de rachats… Cependant, du principe au passage à l’acte, il y a de la marge et le diable se niche dans les détails. En effet, il faudra abaisser les exigences de solidité de la BCE pour soutenir les dettes périphériques et l’Allemagne n’est pas prête à y consentir : du AA ou du A+, passe encore, mais du BB-, c’est nein.

Même si les marchés anticipent un QE, les injections promises par la BCE ne sont pas susceptibles d’emballer le régime moteur pour enclencher le turbo.

Pour l’heure, cela reste du diesel… et cela le restera — selon les marchés — tant que l’Allemagne n’autorisera pas Mario Draghi à écraser le champignon pour de bon (racheter des dettes qui ne seront jamais remboursées, comme la Fed ou la Banque du Japon).

Mais je suis convaincu depuis le départ que même en substituant le diesel par du nitro-méthane, le 4×4 ne sera transformera jamais en dragster parce que l’arbre de transmission n’est pas conçu pour supporter un soudain excès de surpuissance.

Ce n’est pas tout : le jeu des engrenages économiques n’est pas — et dès le départ — configuré de façon identique en Europe et aux Etats-Unis. Il est donc totalement illusoire de s’attendre au même effet de richesse que celui théorisé par la Fed ou la Banque du Japon.

Un “effet richesse” qui, entre parenthèses, ne profite qu’aux 1% les plus riches aux Etats-Unis… ou, soyons larges, aux 3% les plus fortunés.

Les futurs retraités européens — à part les quelques milliers de millionnaires qui ont transféré leur patrimoine en actions vers Londres, la Belgique ou Singapour — ne peuvent guère espérer que les largesses monétaires de Mario Draghi change leur train de vie… ou leur procure l’illusion d’une richesse inattendue.

▪ Des différences cruciales

Les systèmes de retraite européens sont essentiellement basés sur la répartition et non sur la capitalisation. Ce sont les actifs qui financent la rente des retraités. Pourvu que la pyramide des âges ne se rétrécisse pas à sa base et que la croissance des revenus soit au rendez-vous, alors l’ensemble des générations voit son niveau de vie s’élever.

Dans le cas contraire, c’est l’appauvrissement général qui s’enclenche tout aussi inexorablement… et retarder l’âge de la retraite s’avère désastreux quand le problème principal réside dans l’intégration des jeunes sans grande expérience.

Le report de la sortie de la vie active ne fonctionne que sur le papier. Il ne donne aucun résultat probant en pratique car notre époque semble devenue allergique aux cinquantenaires… et le marché de l’emploi devient une machine à exclure pour ceux qui se rapprochent de la soixantaine.

Les “libéraux” ne cessent de clamer que la solution consiste à basculer vers un système par capitalisation. Admettons que la France par exemple succombe au modèle anglo-saxon : il restera à convaincre les épargnants d’investir soit dans des émissions obligataires qui ne rapportent rien, soit dans des fonds en actions dont les cours sont gonflés à l’hélium et complètement déconnectés de l’économie réelle.

Les Européens — Britanniques exceptés — ont une aversion naturelle au surendettement et se montrent méfiants envers les bulles d’actifs… contrairement aux Américains qui s’accommodent des deux et qui sont prêts à soutenir des mécanismes monétaires complètement artificiels, pourvu que cela soutienne la consommation et génère une baisse apparente du chômage.

Une vérité qui n’est pas belle à voir s’étale de plus en plus clairement au grand jour : les quantitative easings massifs, cela ne fonctionne pas

Mais une vérité qui n’est pas belle à voir s’étale de plus en plus clairement au grand jour : les quantitative easings massifs, cela ne fonctionne pas… sauf à truquer les chiffres comme le font sans vergogne les gouvernements américains successifs. Dès qu’il faut doper les chiffres de la croissance, le Pentagone renforce son arsenal conventionnel et nucléaire (à crédit naturellement) et le tour est joué.

▪ Le Japon sans les freins

Le Japon ne peut guère tirer sur cette grosse ficelle. Si Shinzo Abe s’y risquait, ce serait considéré par la Chine comme un réarmement à vocation hostile, et ce serait le début d’une dangereuse escalade.

Le Japon retombe donc en récession et aligne un second trimestre de contraction de son PIB (-0,4% du PIB au troisième trimestre après -1,9% au deuxième trimestre, soit -1,6% en rythme annuel).

De gros benêts se sont empressés d’affirmer que le gouvernement Abe est sur la bonne voie et doit impérativement garder le cap. Selon eux, le Japon a simplement été victime — comme les Etats-Unis neuf mois auparavant — des mauvaises conditions météorologiques (trop de vent, trop de pluie, trop de chaleur…).

Les réformes structurelles, financées par la dette, doivent être poursuivies — quitte à faire exploser les déficits en repoussant aux calendes grecques la prochaine hausse de TVA.

Pas grave, la Banque du Japon imprimera autant de yens que nécessaire, durant des décennies s’il le faut… puisque c’est ce que les marchés réclament.

Et les marchés ne se trompent jamais — il leur arrive juste de changer d’avis : le Japon verra alors fondre sur lui un nouveau type de typhon.

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