Barack Obama and Immigration: 8 Questions About a Major Decision

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Le président américain a ouvert la voie à la régularisation provisoire de quelque cinq millions de clandestins. “L’Obs” décrypte l’offensive de Barack Obama.

Il avait promis de prendre l’initiative : Barack Obama a ouvert la voie jeudi 20 novembre à un une régularisation provisoire à quelque cinq millions de clandestins, sur un total de 11 millions vivant aux Etats-Unis sous la menace d’une expulsion.

“Une amnistie de masse serait injuste. Des expulsions de masse seraient à la fois impossibles et contraires à notre caractère”, explique le président américain lors d’une brève allocution solennelle depuis la Maison Blanche, promettant un système “plus juste et plus équitable”

1. Une décision majeure ?

Sans aucun doute. Les mesures annoncées hier soir par Barack Obama sur l’immigration auront de lourdes conséquences, et pour longtemps. “Cela sera la plus importante mesure concernant l’immigration depuis les modifications de 1965”, confiait hier Jorge Ramos, le journaliste star de la chaîne hispanique Univision, à “Time”. “En nombre de personnes concernées, cela aura plus d’impact que l’amnistie de 1986”.

Sur le papier, la suspension des déportations, pour 5 millions d’immigrés établis depuis longtemps aux Etats-Unis ou ayant des familles qui le sont, n’est pas une amnistie. Mais Ramos a raison de souligner que “même si c’est une mesure temporaire, les Républicains auront le plus grand mal à la rejeter sans passer pour des anti-immigrés ou des anti-latinos”.

2. Une décision illégale ?

Avant même l’annonce des mesures, la frange dure de la droite était apoplectique. Un sénateur du Texas a accusé Obama de “provoquer une crise constitutionnelle” en agissant de façon “inconstitutionnelle et illégale” et un élu de l’Etat de New York a promis une procédure d’impeachment, tandis que le sénateur Ted Cruz, héros du Tea Party, s’étranglait de voir Obama “agir en monarque”. Le plus virulent de tous a été le sénateur Tom Coburn, de l’Oklahoma : “Vous allez voir – enfin, je n’espère pas – des instances d’anarchie. Vous pourriez voir de la violence”. Limite incitatif !

En réalité, l’ex-prof de droit Obama a soigneusement étudié la légalité de ses décisions, écartant des mesures spécifiquement destinées aux travailleurs agricoles ou aux Dreamers (enfants nés à l’étranger qui ont grandi aux Etats-Unis et sont toujours, adultes, dans l’illégalité), pour une seule raison : elles risquaient d’être retoquées sur le plan juridique.

3. Une décision sans précédent ?

Loin de là. En 1986, les Républicains avaient à peine bronché lorsque Reagan avait empêché la dispersion des familles immigrées, autorisant ceux qui étaient entrés illégalement dans le pays avant 1982 à y rester. Trois millions de personnes furent régularisées. Avant cela, Roosevelt avait autorisé les travailleurs mexicains temporaires à rester aux Etats-Unis pendant la guerre, un arrangement prolongé par les successeurs de Roosevelt jusque dans les années 60. L’amnistie, dans ce pays qui s’est construit par l’immigration, n’a rien d’exceptionnel.

4. Une décision populaire ?

Cela dépend auprès de qui. A en croire un sondage “Wall Street Journal”/NBC, 48% des Américains désapprouvent le choix d’Obama d’agir par décret.

Mais près de six Américains sur 10 soutiennent l’idée d’un chemin vers la citoyenneté pour les sans-papiers, et 74% déclarent leur soutien quand on leur détaille la loi votée l’an dernier par le Sénat (mais non par la Chambre des Représentants), qui ouvrait une voie possible vers la régularisation pour plus de 11 millions de sans-papiers. Obama hier, a fait écho à cette ambivalence : ses mesures ne sont “pas de l’amnistie” mais “nous sommes une nation d’immigrants”.

Sera-t-il entendu par les électeurs blancs, qui constituent 75% de l’électorat ? C’est une vraie interrogation.

Les entreprises, pour leur part, ont tendance à soutenir les régularisations ponctuelles, et celles du hi-tech réclament à cor et à cris un contingent plus large d’immigrés qualifiés. Ces derniers jours, quand la droite de la droite a suggéré de provoquer une crise majeure en empêchant le gouvernement de fonctionner (le fameux “shutdown”), la Chambre de Commerce et American for Prosperity, très proche des frères Koch, ont exprimé haut et fort leur désaccord.

5. Une décision irresponsable ?

Argument bien connu, et repris par Newt Gingrich, hier soir sur CNN : toute amnistie se transforme en aspirateur à immigrants, encourageant les étrangers à venir aux Etats-Unis dans l’espoir de bénéficier de la prochaine régularisation de masse. Cette crainte est largement répandue en période d’immigration galopante, beaucoup moins quand celle-ci se tarit. Or les dernières années ont été marquées par un ralentissement marqué de l’immigration, aux Etats-Unis : en 2012, le pays comptait 11,2 millions de sans-papiers, le même chiffre qu’en 2009 et un recul par rapport au record de 2007. En pourcentage de la population, la part des clandestins est passée de 4% en 2007 à 3,5% en 2012.

Le retournement le plus significatif concerne le Mexique : le nombre de sans-papiers mexicains a diminué de 500.000 entre 2009 et 2012, et il a très probablement continué à décroître depuis. Les nombreuses expulsions (438.000 en 2013) ont joué un rôle, mais le facteur le plus important est la croissance économique au sud du Rio Grande, qui a fixé au pays des millions de Mexicains.

6. Une volte-face ?

Oui et non. Il est vrai qu’Obama avait promis une grande réforme de l’immigration durant la première année de son premier mandat, quand les Démocrates contrôlaient les deux chambres du Congrès. Il n’a pas tenu sa promesse, accaparé par le vote de la réforme du système de santé. Plus récemment, il a traîné les pieds, reportant sa décision au lendemain des élections de mi-mandat, pour ne pas mettre en difficulté les candidats démocrates dans les Etats conservateurs.

Mais il a annoncé dès janvier 2013 qu’il procéderait par décret si le Congrès se montrait incapable de passer une loi – exactement ce qui s’est passé. En l’occurrence, ce sont les Républicains qui font preuve de mauvaise foi : ils ont cédé aux pressions de leur droite en enterrant la loi votée par les sénateurs, et ils se satisfont d’un système où les sans-papiers étaient appelés à le rester perpétuellement – même si, sur le terrain, une telle situation est inique, absurde et impraticable.

7. Une décision habile ?

Il y a bien longtemps qu’Obama n’avait prononcé un discours aussi fort, marqué au coin des principes et de la raison. Il reste que son coup de force est un vrai pari, et personne ne peut dire qui gagnera les bras de fer politique des prochains mois.

Pour l’heure, ce sont les Républicains qui sont le plus gênés : ils rêvaient de se refaire une réputation, passant quelques lois de compromis qui leur auraient permis d’aborder la présidentielle de 2016 en gouvernants responsables. Au lieu de quoi, leurs divisions internes éclatent à nouveau sur le sujet le plus sensible de tous : l’immigration. La droite peut se permettre de rester minoritaire chez les Latinos, mais son candidat aura toutes les peines du monde à l’emporter en 2016 si les minorités sont braquées contre les Républicains.

Déjà, les propos d’une Michelle Bachmann sur ces “illettrés” que l’on va régulariser sèment la panique chez les Républicains modérés. Il suffit “seulement de quelques” commentaires de ce genre pour s’aliéner les latinos, a commenté John McCain.

8. Une décision qui arrive au bon moment ?

Bien tardif, si le but était de montrer les dents face à la droite : Obama aurait pu et dû le faire bien des années plus tôt. Mais s’il voulait se racheter auprès de la communauté hispanique, qu’il a déçue, Obama ne pouvait imaginer meilleur moment : son annonce, hier soir, coïncidait avec la cérémonie des Latin Grammy Awards, l’un plus gros hits de l’année pour la chaîne hispanique Univision, avec 10 millions de téléspectateurs. Univision s’est empressée de différer le début de la cérémonie, qui a commencé juste après l’intervention présidentielle !

Autre coïncidence, qui n’en était peut-être pas une : la journée d’hier était, au Mexique, le “Jour de la Révolution”, une fête nationale majeure. Jour de fête, bonnes nouvelles pour les immigrants : c’est ce que l’on appelle avoir le sens du timing…

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