Piège à républicains
Barack Obama frappe un grand coup, les yeux tournés vers la présidentielle de 2016, en régularisant la situation de quatre à cinq millions d’immigrants illégaux. Opération à risques politiques calculés pour les démocrates. Les républicains n’ont qu’eux-mêmes à blâmer.
Le président américain a parlé jeudi soir à la Maison-Blanche de « l’hypocrisie d’un système qui interdit aux travailleurs qui ramassent nos fruits et font nos lits de vivre dans la légalité ». Bien vu. M. Obama ne fait pas que donner aux siens des munitions électorales contre les républicains — Hillary Clinton, candidate attendue des démocrates à la prochaine présidentielle, s’est empressée d’endosser le geste —, il fait preuve de la plus élémentaire empathie à l’égard de millions de personnes qui apportent à l’économie et à la société américaines une contribution capitale qui ne se limite pas d’ailleurs, tant s’en faut, à la cueillette et à l’aide ménagère. Le Congrès, menotté par les objections ultrapartisanes de la majorité républicaine à la Chambre des représentants, aurait dû prendre il y a longtemps la décision annoncée par M. Obama.
Le décret présidentiel constitue certainement un pas dans la bonne direction. Il ne s’inscrit absolument pas, en revanche, dans une démarche ouvrant la porte à l’obtention de la citoyenneté. Les immigrants illégaux sont onze millions aux États-Unis et beaucoup y sont depuis des générations. La porte s’entrouvrira-t-elle jamais ? Aussi, le plan Obama consiste en particulier à légaliser temporairement le statut de cette vaste catégorie d’illégaux qui ont des enfants nés aux États-Unis ou dont les enfants ont un permis de résidence permanente. Cette mesure mettra à l’abri des procédures d’expulsion quelque 3,7 millions de personnes qui sont dans le pays depuis plus de cinq ans et les autorisera à obtenir un permis de travail valide pour trois ans. Une seconde mesure élargit un programme de régularisation temporaire lancé en 2012 à l’intention de ceux et celles entrés aux États-Unis alors qu’ils étaient mineurs. Les gens qui se qualifieront ne seront pas autorisés à sortir du pays et à y rentrer ni n’auront accès aux plans d’aide fédérale en matière de santé (comme Medicaid).
Jamais depuis le milieu des années 1980 des mesures aussi amples n’ont été prises en matière d’immigration. Ce qui n’exclut pas qu’en définitive, la portée des ouvertures faites par M. Obama soit limitée. La présidentielle de 2016 est leur horizon spécifique, ce qui relativise leur valeur d’empathie. Reste que le président, jouant d’audace en passant outre au Congrès, fait une fleur à une minorité latino-américaine dont l’influence politique croît, particulièrement dans le sud du pays, à la faveur des démocrates.
En cette affaire, les républicains sont drôlement piégés — et disent n’importe quoi. Le gouverneur du Texas, Rick Perry, a soutenu que le décret serait une invitation à l’immigration illégale — mais c’est un argument qui ne tient guère la route, en l’occurrence. Si le Mexique (60 % des illégaux aux États-Unis sont mexicains) a de graves problèmes de sécurité, il reste en fait que son économie se développant, le flot d’illégaux vers le nord diminue.
Ou donc les républicains font profil bas en pariant que cette fleur ne ralliera pas les Latinos autant que les démocrates l’espèrent. Ou ils font obstruction et se discréditent auprès de cette minorité. Continuant de s’appuyer sur leur électorat blanc et conservateur, ils peuvent encore remporter des élections, mais il est clair qu’ils sont de plus en plus déconnectés de l’évolution démographique et politique de la société américaine.
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