Obama’s Dithering on Torture

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Torture, la valse-hésitation d’Obama

La publication d’une enquête accablante sur les méthodes d’interrogatoire de la CIA est aussi un nouveau témoignage des atermoiements du président.

La démocratie américaine a une qualité admirable : elle n’hésite jamais à enquêter sur ses erreurs, ses dérives, parfois même ses abominations. Qu’il s’agisse des morts de civils contestables et inutiles d’Hiroshima ou de Dresde pendant la Seconde Guerre mondiale, des massacres insoutenables comme celui de My Laï, au coeur du conflit vietnamien, et aujourd’hui des méthodes d’une brutalité indigne utilisées par les services secrets pour faire parler des suspects de terrorisme après les attentats du 11 Septembre, les commissions parlementaires n’hésitent pas à porter le fer bien profondément dans les excès et les dérapages de ceux qui agissent au nom des États-Unis. Et même quand cela fait mal.

Ne rien dissimuler, c’est le propos de ce rapport d’enquête de 6 000 pages de la commission du Renseignement du Sénat présidée par une des icônes de la gauche américaine, la sénatrice de Californie Dianne Feistein. Pendant trois ans, les membres de son équipe ont étudié des millions de documents rapportant les conditions de détention et d’interrogatoire des prisonniers capturés enAfghanistan, au Pakistan ou au Yémen suspectés d’appartenir à la nébuleuse du terrorisme proche d’al-Qaida. Le rapport de 525 pages, expurgé de certains détails et rendu public, révèle – ou confirme – les méthodes utilisées pour faire parler les suspects : privation de sommeil, simulacre de noyade, menaces d’être exécutés, voire enterrés vivants. Il dénonce surtout l’inutilité de semblables pratiques qui, contrairement à ce que soutient la CIA, n’ont jamais permis, disent les auteurs, d’éviter des attentats en préparation. Et ne sont, d’après le rapport, pour rien dans la traque finale et l’élimination de Ben Laden.

Obama pas aussi clair qu’il veut le faire croire

Barack Obama, dès la publication du rapport mardi matin, s’est félicité, par l’intermédiaire de l’un de ses porte-parole, que la vérité sur ces pratiques indignes de la démocratie américaine soit révélée au pays. Et la Maison-Blanche rappelle que dès janvier 2009, immédiatement après son arrivée aux affaires, Obama avait fait en sorte que les méthodes musclées d’interrogatoire soient interdites. Il est même le premier responsable à avoir qualifié de “tortures” les pratiques de la CIA.

Pourtant, le président des États-Unis n’est pas aussi clair qu’il veut le faire croire sur ce rapport explosif. D’abord parce que le texte était fin prêt dès avril 2014 et que la Maison-Blanche, pour des motifs divers, a fait en sorte que sa publication soit repoussée. Vendredi dernier encore, John Kerry a fait savoir, “au nom de l’administration”, que rendre publique cette enquête n’était pas opportun, compte tenu de la guerre engagée contre les djihadistes de l’État islamique. Dans les émissions d’information des télévisions, des experts plus ou moins indépendants ont insisté sur le risque que ces révélations allaient faire courir à des Américains dans les ambassades des pays sensibles. La responsable du rapport, la sénatrice Feinstein, a par ailleurs indiqué que la Maison-Blanche avait soustrait aux investigations de la commission 9 400 pages concernant des interrogatoires en raison du “privilège de l’exécutif”. Sans compter le refus qui lui a été opposé d’interroger certains membres de la CIA. Elle accuse d’ailleurs l’agence d’avoir, à plusieurs reprises, violé les ordinateurs des membres de la commission.

Enfin, Obama, interrogé mardi par la chaîne de télévision latino Telemundo sur ce qu’il aurait fait à la place de George Bush s’il avait été à la Maison-Blanche après le 11 Septembre, a répondu : “Personne ne peut comprendre ce qu’on pouvait ressentir en étant comptable de la sécurité et même du salut du peuple américain après la pire attaque subie sur notre sol.” Certains jugeront cette déclaration comme le comble du faux-fuyant. D’autres comme le signe d’une grande honnêteté. En fait, Obama ne tire pas de cette affaire les bénéfices politiques qu’il aurait pu en escompter : les démocrates critiquent ses hésitations et les républicains lui reprochent d’avoir lâché la CIA.

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