Cuba-USA: Obama Makes History, but It’s a Defeat for America

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Cuba / USA : Obama marque l’histoire. Mais c’est une défaite pour l’Amérique

LE PLUS. Les États-Unis et Cuba enterrent la hache de guerre. Barack Obama et Raul Castro ont annoncé, mercredi 17 décembre, une normalisation des relations entre les deux pays. Une ambassade américaine ouvrira à Cuba et la levée de l’embargo sera examinée. Un moment historique que décrypte Thomas Snégaroff, directeur de recherche à l’Iris et spécialiste des États-Unis.

Parler de moment historique pour qualifier le rapprochement entre les États-Unis et Cuba n’est en rien une exagération. Le moment que nous sommes en train de vivre revêt une importance réelle et symbolique énorme. Le cours de l’histoire est en train de changer, sous nos yeux, de par l’action des hommes.

Pour bien mesurer la portée de ce moment, il faut bien avoir à l’esprit que les relations entre ces deux pays étaient rompues depuis plus d’un demi-siècle (53 ans). Le président américain était alorsEisenhower. L’embargo économique, lui, était en vigueur depuis 52 ans !

Enfin, le caractère inattendu de ce rapprochement (même si des assouplissements successifs avaient été observés ces dernières années), et la symbolique des discours simultanés de Barack Obama et Raul Castro renforcent encore un peu la dimension de cet évènement.

Un discours de défaite pour Obama

Au-delà de l’aspect exceptionnel de ce rapprochement, ce sont les mots qu’a employés Barack Obama pendant son discours qui méritent aussi d’être analysés. On peut dire, en effet, que le discours du président américain était un discours de défaite.

Si la situation de Cuba, économiquement et socialement, n’est pas triomphale, le pays étant marqué par une pauvreté extrême et ne survivant que grâce au tourisme et à l’aide du Venezuela, on voit bien que ce sont les États-Unis qui ont fini par se résoudre à tendre la main à leur voisin.

Pendant près d’un demi-siècle, la doctrine américaine à l’égard de Cuba était pourtant à la fois simple et intransigeante : pas de relation avec ce pays tant que la démocratie y est absente et que Castro est au pouvoir. Or aujourd’hui, les relations sont rétablies alors qu’un Castro est toujours à la tête d’un pays au régime autoritaire.

Du bout des lèvres, Barack Obama a admis que la stratégie destinée à isoler le régime castriste n’avait pas eu les résultats escomptés. Il a donc choisi de changer de stratégie. Et Cuba, vu sa situation, n’a eu d’autres choix que d’accepter.

Les deux pays y ont intérêt

Au fond, ce qui a guidé ce rapprochement, tant du côté américain que cubain, ce sont les intérêts économiques. Pendant un demi-siècle, l’histoire entre ces deux pays a été guidée par l’affrontement idéologique. Pour la première fois, c’est le pragmatisme qui a prévalu.

Les intérêts à se rapprocher étaient en effet partagés. Car en tournant le dos à Cuba, les États-Unis ont longtemps renoncé à un marché non négligeable. Ils se sont coupés de leur “Méditerranée” à eux, perdant aussi une certaine influence en Amérique latine. Tendre la main à Cuba, c’est aussi tenter de regagner en influence sur ce continent.

Quant à Cuba, sa population a payé un lourd tribu à cet isolement, surtout depuis la disparition de l’URSS. Les réformes économiques importantes mises en place par Raul Castro depuis quelques années, libéralisant quelque peu l’économie locale, était déjà un signe d’inflexion assez notable. Ce rapprochement s’inscrit dans cette lignée là, alors que son allier, le Venezuela, est affaibli.

Enfin, la position de l’opinion publique américaine sur ce sujet explique sans doute aussi en partie la stratégie d’Obama. 2/3 des Américains étaient favorables à un rapprochement, et chose nouvelle, depuis peu de temps, les Cubains Américains, pourtant très hostiles à Castro, le sont devenus aussi…

Solder les comptes de la Guerre Froide

Ce rapprochement va-t-il permettre à Obama de marquer encore un peu plus l’histoire ? Il est en tout cas en train de justifier en partie le prix Nobel de la Paix reçu en 2009, décision qui avait alors été beaucoup critiquée.

Encore une fois, on peut voir dans ce qui vient de se passer la marque de l’extrême pragmatisme de cet homme. Président d’une Amérique en déclin, confrontée à des difficultés économiques et à des problèmes persistants au Moyen-Orient, Barack Obama a conscience que Cuba n’est plus un enjeu majeur ni un marqueur fort. Il en tire donc les conséquences.

Avec cette stratégie de rapprochement, il espère définitivement solder les comptes de la Guerre Froide. Il tente de mettre un point finale à un problème désormais inutile, qui n’a plus lieu d’être, qui n’est plus prioritaire.

Et il fait tout pour que l’on ne puisse pas lui reprocher d’avoir contribuer à faire de Cuba un État failli, comme ont pu le devenir l’Irak ou l’Afghanistan, de par l’action de l’un de ses prédécesseurs à la Maison Blanche.

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