Sony a décidé de retirer son film The Interview après que des pirates informatiques aient menacé d’attaquer des salles de cinéma si le film était présenté.
C’est comme un Pearl Harbor pour la liberté d’expression, image l’avocat américain Alan Dershowitz. Et l’humiliation est pire, pourrait-on ajouter. Car le coup fatal a été auto-infligé.
Sony est tombée sur son épée en refusant de présenter la comédie The Interview, où un animateur de télé est recruté par la CIA pour assassiner Kim Jong-un, dictateur nord-coréen. La raison : le groupe « Gardiens de la paix » menaçait d’attaquer les salles de cinéma présentant le film. Pyongyang est soupçonné d’être derrière ces hackers. Ils ont récemment mené une cyberattaque sophistiquée contre l’entreprise. Des milliers de numéros d’assurance sociale et de dossiers médicaux ont été dévoilés, en plus de quelques potins de vedettes et films pas encore à l’affiche.
La décision de Sony est lâche et dangereuse. Le problème est très complexe, mais la solution ne l’était pas. Errol Mendes, professeur de droit à l’Université d’Ottawa, croit que Sony aurait pu se protéger légalement. Elle n’avait qu’à prévenir au guichet les spectateurs du risque d’attentat – d’ailleurs très théorique, selon le FBI. Ou elle aurait pu faciliter la diffusion du film sur internet.
La censure a gagné. Si l’éditeur Viking avait imité Sony, Salman Rushdie n’aurait jamais publié son roman Les versets sataniques, qui lui a valu une condamnation à mort des fous d’Allah. Sony prouve que les menaces fonctionnent. Et elle a déjà été imitée par Fox, qui a renoncé, hier, à adapter au cinéma la bande dessinée Pyongyang du Québécois Guy Delisle. Des illuminés et despotes en prennent sûrement note.
La peur devrait pourtant se trouver d’abord dans le camp de Kim Jong-un. S’il craint tant la satire, c’est parce que la contestation augmente chez lui. Avec la culture dématérialisée, les frontières deviennent plus poreuses. Sans oublier les ballons aériens envoyés par la Corée du Sud, chargés de documentation subversive, comme des films satiriques…
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Mais le problème ne se limite pas à la liberté d’expression ou à la Corée du Nord. Il s’agit aussi d’un grave précédent pour la sécurité nationale.
On connaissait déjà les cyberattaques commerciales, pour voler des secrets d’entreprises, comme ceux de JP Morgan. Il y a aussi celles qui sont politiques, pour voler des secrets d’État ou saboter des programmes, comme le virus lancé contre le programme nucléaire iranien. Tout cela se fait en cachette.
On assiste à une nouvelle forme de cyberattaque. Elle est publique, et elle utilise le chantage. C’est le début d’une nouvelle forme de guerre, et les États-Unis ont perdu la première bataille.
Le président Obama promet une « réponse proportionnelle ». Les États-Unis n’ont pas choisi d’être attaqués, et ils n’auront pas le choix de se défendre. Cela commencera en protégeant mieux les serveurs des entreprises. Un projet de loi à cet égard doit bientôt être adopté.
Cette guerre ne se gagnera pas avec la méthode de Sony, celle de la génuflexion.
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