Obama in Battle with a Hostile Congress

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Obama au combat face à un Congrès hostile

Si le Congrès est désormais entièrement aux mains des républicains, le président américain a toujours dans sa manche les atouts que lui assure la Constitution pour rester dans l’action jusqu’à la fin de son mandat.

Avant de partir à Hawaii pour y passer les fêtes en famille, Barack Obama a lancé un message aux républicains : il ne faut pas compter sur lui pour endosser en 2015 le rôle du « lame duck » (littéralement, le « canard boiteux »), expression utilisée aux Etats-Unis pour désigner un président sans pouvoir, en fin de mandat. Certes, les démocrates ont perdu le contrôle du Sénat lors des élections de mi-mandat, en novembre. Le Congrès est désormais entièrement aux mains du Grand Old Party (GOP). Mais le président américain a toujours dans sa manche les atouts que lui assure la Constitution pour rester dans l’action. A commencer par les décrets, un outil qu’il n’a pas tardé à utiliser. Quelques semaines à peine après la perte du Sénat, Barack Obama a adopté un texte qui ouvre la voie à la régularisation de 5 millions de clandestins. Une réponse au refus des républicains de travailler à une réforme d’envergure. La méthode a ulcéré les conservateurs, qui accusent le président d’ « agir en monarque ». La vérité, c’est que les républicains ne pourront pas vraiment s’opposer à ces mesures, sous peine de s’aliéner le décisif électorat latino. Barack Obama a aussi pris les devants dans la lutte contre le changement climatique. A Pékin, il a annoncé un accord avec la Chine pour une réduction chiffrée des émissions de gaz carbonique des deux pays. Le nouveau leader des républicains au Sénat, Mitch McConnell, a parlé de « projet irréaliste ». Il n’empêche que l’accord est là : il sera embarrassant de le renier. Quelques semaines plus tard, Washington surprenait le monde entier en rétablissant des relations diplomatiques avec Cuba. A la Maison-Blanche, on a pensé toutes ces actions spectaculaires comme l’annonce de la méthode des mois à venir. Et lors de sa dernière conférence de presse de l’année, le président a évoqué la deuxième arme dont il dispose et qu’il n’hésitera pas à dégainer : le veto. Si jamais les républicains cherchent à revenir sur les textes emblématiques adoptés depuis 2008, « je sortirai alors mon stylo », a-t-il prévenu. Il a sanctuarisé deux acquis qui lui semblent fondamentaux. D’abord l’ObamaCare, la grande loi d’assurance-santé, qui est l’élément le plus substantiel de son bilan à ce jour. Certes, son application s’est faite dans la douleur. Mais elle reste un marqueur important de sa vision de la société américaine. De nombreux républicains l’abhorrent, mais il leur sera difficile de la démanteler. L’autre domaine que le locataire du Bureau ovale protégera bec et ongles, c’est l’environnement et toutes les nouvelles normes, par exemple sur les émissions des centrales thermiques, adoptées depuis 2008.

Obama n’a pas fait qu’adresser des mises en garde. Il a aussi tendu la main au camp conservateur. Proposé des avancées communes. Il a insisté sur une grande réforme fiscale qui rendrait l’impôt sur les sociétés plus « juste ». Il veut en baisser le taux en échange de la suppression des innombrables niches et dispositions alambiquées qui permettent à de grandes sociétés de payer peu, ou pas d’impôt du tout. Il veut ponctionner, en une fois, les immenses liquidités des grandes compagnies déposées à l’étranger pour contourner le fisc. Cette recette exceptionnelle, il suggère de la consacrer aux infrastructures. Certaines d’entre elles commencent en effet à souffrir de vétusté aggravée. De nombreux lobbys ont jusqu’ici réussi à bloquer ces propositions. Mais, dans les dix-huit mois qui viennent, la Maison-Blanche a un argument massue pour pousser les républicains au compromis : ils ont besoin d’arriver aux échéances électorales de 2016 avec un bilan législatif. S’ils ne jouent que l’obstruction pendant deux ans, comment convaincre les Américains de leur faire confiance ?

Il n’en reste pas moins que les résistances seront vives. Côté républicain, il y aura les anti-Cuba, les anti-environnement, les anti-Etat. Mais, et c’est nouveau, Barack Obama devra aussi composer avec l’hostilité de l’aile gauche du Parti démocrate, qui s’est rebellée en décembre. Au moment du vote du dernier budget, les républicains ont inséré dans le texte une disposition qui assouplit considérablement une régulation de la loi Dodd-Frank sur les produits dérivés. Les plus à gauche des démocrates n’ont pas compris pourquoi la Maison-Blanche a accepté d’avaler la couleuvre et en restent amers.

Du côté des éléments facilitateurs, il y aura la conjoncture. La reprise, molle depuis la fin de la grande récession, accélère désormais. Le PIB a crû de 5 % au troisième trimestre. Les salaires, enfin, commencent à augmenter. Il faut dire que le marché du travail s’approche du plein-emploi. Le moral des consommateurs retrouve son niveau de 2007. Mais, derrière des chiffres flatteurs, partiellement dus à la chute des prix du pétrole, qui libère du pouvoir d’achat, se cache un certain désenchantement. D’après un sondage du « New York Times » publié en décembre, seuls 64 % des Américains croient encore au rêve américain (défini comme la possibilité de s’enrichir par son seul labeur). C’est moins qu’au creux de la grande récession, quand ils étaient encore 72 % à y adhérer, et c’est le plus faible résultat en vingt ans. Un Américain sur cinq pense qu’il va rester endetté le reste de sa vie. Dans un autre registre, les récents non-lieux dont ont bénéficié des policiers qui ont tué des Noirs ont indigné une large partie de la population, qui y voit un « permis de tuer » les personnes de couleur. Beaucoup de leaders de la communauté noire souhaiteraient une intervention forte d’Obama sur le sujet. Ce dernier a fait comprendre que, s’il est lui aussi très en colère en son for intérieur, il tient à rester « le président de tous les Américains ». Mais, s’il pense en termes de postérité, le président devra aussi s’atteler à ces deux questions de société.

Les points à retenir

Deux mois après les élections de mi-mandat, Barack Obama semble décidé à utiliser toutes les armes dont il dispose pour imposer ses vues au camp républicain sur quelques dossiers emblématiques.

S’il n’hésite pas à passer en force, il propose aussi des avancées communes à ses adversaires, en insistant par exemple sur une grande réforme fiscale qui rendrait l’impôt sur les sociétés plus « juste ».

La Maison-Blanche a un argument massue pour pousser les républicains au compromis : ils ont besoin d’arriver aux échéances électorales de 2016 avec un bilan législatif.

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