Freedom of Expression: France vs. America

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Liberté d’expression : le match France-Amérique

Un juriste américain doute de la liberté d’expression en France. Ce n’est vraiment pas mieux dans son pays. L’analyse de Sophie Coignard.

“Ce qui menace la liberté d’expression en France, ce n’est pas le terrorisme, ce sont les Français.” À la mi-janvier, le professeur de droit constitutionnel américain Jonathan Turley a publié sous ce titre provocateur une tribune dans le Washington Post. Turley est certes considéré comme un original pour ses prises de position qui ne correspondent à aucun alignement politique, mais, pour une fois, beaucoup d’Américains partagent son point de vue. Aux États-Unis, la liberté d’expression est garantie par le premier amendement de la Constitution. Il est donc possible de tenir des propos racistes ou haineux sans être inquiété. Ainsi, un Dieudonné américain ne trouverait peut-être pas de salles pour abriter son spectacle, avec un peu de chance ses vaticinations n’intéresseraient personne, mais il ne serait pas interdit.

La France, vue d’Amérique, regorge de moyens pour limiter la libre parole. En plus des textes de loi, fort nombreux, la parole des dirigeants politiques va toujours dans le même sens, celui de la limitation. Alors que sont publiées les caricatures de Mahomet, en 2006, Jacques Chirac rappelle que la liberté d’expression doit s’exercer dans un esprit de responsabilité. Six ans plus tard, sur le même sujet, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault met en garde à son tour en rappelant “les limites imposées par la loi”.

Le délit de blasphème revisité

Beau joueur, le professeur de droit reconnaît que les pouvoirs publics américains sont animés par la même tentation qu’en France. Il raconte comment l’administration Obama a envisagé d’instaurer un délit de blasphème “pour éviter de créer de nouvelles divisions”. Hillary Clinton, quand elle était secrétaire d’État, a même reçu des délégations pour tenter de faire avancer ce dossier. En France, un tel retour en arrière ne viendrait à l’esprit d’aucun décideur censé. Et c’est Barack Obama qui a déclaré, à la tribune des Nations unies, que “l’avenir ne doit pas appartenir à ceux qui calomnient le prophète de l’islam”. Ce qu’omet de préciser Jonathan Turley, c’est que beaucoup de journaux américains, à commencer par leNew York Times, n’ont reproduit ni les caricatures ni la couverture du dernier Charlie Hebdo. Au pays du premier amendement aussi, la liberté d’expression est menacée, avant tout, par… les Américains.

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