Barack Obama, cet «Européen» proche de Merkel
Stéphane Bussard
Les deux dirigeants à leur arrivée devant les journalistes. L’un et l’autre se méfient du recours à la force. (Reuters)
Jusqu’ici, le président américain a refusé l’option militaire, même indirecte
Rarement une rencontre aura autant pesé sur le destin d’un pays. La visite d’Angela Merkel à la Maison-Blanche lundi est pourtant l’un de ces moments qui peuvent changer le cours de l’Histoire. A Washington, les faucons proches du Pentagone et les défenseurs d’une idée surannée de la puissance américaine ne cessent de faire monter la pression pour armer massivement l’Ukraine. Barack Obama y cédera-t-il?
Jusqu’ici, le président américain a refusé l’option militaire, même indirecte. Les arguments de la chancelière allemande, opposée à l’envoi d’armes létales à l’armée ukrainienne, pourraient faire mouche auprès d’un Barack Obama qui lui voue non seulement une amitié, mais aussi un profond respect. En ce sens, le président démocrate n’a jamais été aussi Européen.
Aux Etats-Unis, pourtant, les tambours de la guerre tonnent plus bruyamment que jamais. Le possible successeur de Chuck Hagel à la tête du Pentagone, Ashton Carter, est favorable à armer l’Ukraine. Depuis la guerre en Irak de 2003, on pensait qu’Européens et Américains avaient enfin surmonté leurs divisions. Mais les mêmes fractures pourraient se faire jour. Aux Etats-Unis, on semble avoir peu de compréhension pour des Européens qu’on voit incapables de mesurer les enjeux sécuritaires du moment, alors qu’ils craignent simplement l’éclatement de l’unité du continent.
Rien ne pourrait mieux illustrer ces divergences que ce qui s’est passé à la conférence sur la sécurité de Munich. Le sénateur républicain Lindsey Graham n’a pas été loin de qualifier Angela Merkel – un comble – de «Munichoise» en l’accusant «d’abandonner» l’Ukraine. A Washington, le lobby anti-russe est même allé jusqu’à répandre la thèse selon laquelle Vladimir Poutine serait affecté par le syndrome d’Asperger, une forme d’autisme. Des éditoriaux exhortent l’Occident à faire preuve de réalisme face au maître du Kremlin, qui n’a qu’un objectif: prendre possession de l’Ukraine et restaurer l’empire soviétique.
S’il est vrai que, depuis sa réélection en 2012, le président russe est allé bien au-delà de la restauration de l’honneur blessé de la Russie après le chaos des années 1990 en bafouant des principes fondamentaux et constitutifs de l’ordre européen d’après-guerre et du droit international, l’Occident a été incapable de lever le doute sur une adhésion possible de l’Ukraine à l’OTAN. S’il annonçait clairement qu’il s’y oppose, on n’en serait peut-être pas à se demander si on est à l’aube d’une guerre européenne aux conséquences incalculables.
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