War or Peace

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«Il ne sera pas dit que la France et l’Allemagne n’auront pas tout tenté pour préserver la paix.» La déclaration de la chancelière allemande ne pouvait être plus claire. L’Europe devra-t-elle entrer en guerre contre la Russie?

Après bientôt dix mois de combats dans le Donbass, toutes les parties s’accordent au moins sur un point: c’est la guerre. Déclarée, entre les séparatistes et Kiev. Mais aussi non déclarée, entre l’Ukraine et la Russie, même si Moscou continue de nier – contre toute évidence – son implication dans les combats. Longtemps, les Européens ont pu croire qu’on en resterait à un conflit de basse intensité, circonscrit, et sans conséquence pour le continent. Il est vrai que la crise économique, les crispations identitaires, les interrogations sur la Grèce ou encore l’émergence de l’Etat islamique ont sans cesse détourné les regards de ce lent pourrissement ukrainien, qui menace aujourd’hui de déstabiliser toute l’Europe.

Car il est un conflit que les Européens ont refusé de voir jusqu’ici: Vladimir Poutine est aussi en guerre contre l’«Occident», lui-même persuadé d’être victime d’un complot ourdi par les Etats-Unis et ses supplétifs européens pour affaiblir la Russie. Cette guerre-là est pour l’heure de pure propagande. Mais le risque d’un embrasement n’est plus à exclure. Les armements occidentaux – Washington hésite, quelques capitales européennes poussent dans cette voie – répondant à ceux de Moscou dans une lutte de plus en plus sanglante entre Kiev et les séparatistes.

La France et l’Allemagne ont finalement pris acte de cette réalité lorsqu’ils ont annoncé, jeudi, leur nouvelle initiative de paix. «Il ne sera pas dit que la France et l’Allemagne, ensemble, n’auront pas tout tenté, tout entrepris, pour préserver la paix», a expliqué Angela Merkel, alors que François Hollande ajoutait que l’«option de la diplomatie ne peut être prolongée indéfiniment». On en est là. La menace ne vient pas que de la Russie. La crise ukrainienne représente un risque majeur de division entre Européens et entre l’Europe et les Etats-Unis.

Pour éviter le pire, il y a désormais urgence à agir. Du moment que ni les Européens, ni les Etats-Unis ne sont prêts à se battre pour l’Ukraine, seul un accord politique avec Moscou est envisageable. Un «accord global», comme le dit désormais François Hollande. A quoi devrait ressembler ce plan pour donner une chance à la paix? Dans l’immédiat, il s’agit de mettre un terme au bain de sang dans le Donbass en appliquant enfin l’accord de paix négocié à Minsk en septembre dernier. Cet accord en douze points a été signé par l’Ukraine, les séparatistes, la Russie et l’OSCE. Il implique un cessez-le-feu, un retrait des troupes et des armes lourdes des zones de combat et un dialogue politique prévoyant une «décentralisation» du pouvoir en Ukraine.

Si ce plan a échoué jusqu’ici – en grande partie du fait de l’offensive des séparatistes – comment lui donner une seconde chance aujourd’hui? L’approche «globale» nécessite de statuer sur la souveraineté de l’Ukraine – Crimée comprise – et sa future reconstruction économique. Cette souveraineté ne peut être négociée. Ce que peuvent, en revanche, offrir à la Russie les Français et les Allemands – appuyés par l’UE, les Etats-Unis et l’OTAN – ce sont de nouvelles garanties sur une forme de neutralisation de l’Ukraine afin qu’elle ne rejoigne pas une alliance militaire. Kiev doit pouvoir comprendre que c’est aussi dans son intérêt.

Certains penseront que c’est trop céder à Moscou. Mais quelle est l’alternative? Vladimir Poutine est prêt à une guerre d’usure en Ukraine. Elle pourrait bien devenir «totale», comme l’a clairement dit le président français.

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