“American sniper” de Clint Eastwood : un film poignant, mais un message détestable
Par Charlotte Barbaza
Dans “American sniper”, Clint Eastwood, retrace l’histoire vraie d’un sniper américain, qui a abattu plus de 160 personnes en Irak. Un sujet qui a créé la polémique, car le réalisateur est accusé de faire la propagande de l’armée américaine. Si notre contributrice Charlotte Barbaza confère quelques qualités à “American sniper”, cela ne l’empêche pas de qualifier ce film d'”ultra-républicain”.
Lauréat des derniers Oscars dans la catégorie “meilleur montage sonore”, nominé six fois et ayant déjà rapporté plus de 400 millions de dollars, “American Sniper” est résolument un des plus grands succès de Clint Eastwood.
Dès le premier jour de sa sortie en France, le mercredi 18 février, le film a enregistré plus de 160.000 entrées, un score sans précédent pour le réalisateur dans l’Hexagone.
Au sommet du box-office américain pendant plusieurs semaines, le film a créé la polémique outre-Atlantique. Pour cause, bien qu’il s’inscrive parmi les meilleurs de Clint Eastwood, “American Sniper” porte un message tout à fait détestable.
Un film ultra-républicain
Clint Eastwood s’était ridiculisé lors de son discours de soutien à Mitt Rommey, on craignait alors pour sa sénilité.
Mais aujourd’hui, il semble revenu au sommet de son art. Les chiffres en témoignent : “American Sniper” est au niveau de “Gran Torino”, “Million Dollar Baby” ou “Invictus”.
Très bien filmé, méthodique, très bien réalisé, intelligent, parfois drôle, parfois poignant, le film est très intéressant, malgré quelques longueurs (normal avec 2h15 de bande). Quant à Bradley Cooper et à Sienna Miller, ils sont impeccables.
Pourtant, “American Sniper” n’en demeure pas moins un film qui se cache derrière un patriotisme forcené pour faire l’apologie de la guerre et de la violence. Il retrace l’histoire de Chris Kyle, “the most lethal man of America”, un sniper hors du commun qui a tué plus de 160 personnes lors de ses missions en Irak. Le film est basé sur l’autobiographie éponyme écrite par le SEAL.
D’après Clint Eastwood, “le scénario est meilleur que le livre”. On peut comprendre pourquoi la réalisation est partiale. Le réalisateur signe ici un film ultra-républicain dont Sarah Palin ou Georges W.Bush pourraient tout à fait assurer la promotion.
L’héroïsation d’un meurtrier
Ce film ne remet jamais en cause les raisons, plus que litigieuses, qui ont conduit à la guerre en Irak. À coups de flashbacks et de séquences familiales jouant sur la corde sensible, Chris Kyle est présenté comme un véritable héros américain, “un berger”, qui s’est battu toute sa vie pour protéger “ses brebis”, comprenez sa famille et surtout, la sacro-sainte patrie Américaine.
Il n’hésite pas à faire des sacrifices qui lui coûtent personnellement et sentimentalement mais “sa famille peut attendre alors que l’Amérique et la guerre ne le peuvent pas”. À la fin de ses quatre missions et au bout de 160 personnes tuées pour raisons militaires, son seul regret est de “ne pas avoir pu protéger plus de gens, notamment parmi les soldats sous ses ordres”.
La présentation du personnage manque cruellement de nuance et aboutit à une héroïsation d’un meurtrier presque caricaturale. Clint Eastwood fait de Chris Kyle un symbole de l’Amérique qui gagne.
Des portraits de femmes biaisés
Enfin, “American Sniper” est particulièrement gênant de par son caractère misogyne. Les femmes y sont dépeintes sous trois portraits totalement biaisés : des terroristes qui préviennent leur mari contre l’arrivée américaine ou qui lancent des grenades dans le dos des soldats, une femme qui trompe son petit ami (Bradley Cooper) avec un cow-boy ou bien la femme aimante (Sienna Miller) qui reste à la maison à s’occuper des enfants et voudrait égoïstement empêcher son mari de retourner défendre sa patrie.
Chris Kyle vient du Texas. Apparemment, là-bas, on ne respecte pas les femmes pour ce qu’elles sont. Clint Eastwood vient du cinéma, la réalité qu’il dépeint est sexiste, violente et belliqueuse.
S’il aborde de manière pertinente la question du retour au réel des soldats et toutes les problématiques post-traumatiques qui peuvent en découler, le film faillit lorsqu’il s’agit de remettre en questions le prosélytisme américain.
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