Effet de nuisance
Et donc, quelles conclusions tirer du bruit qu’est allé faire le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, au Congrès américain ? Que le dialogue diplomatique et la négociation d’un accord international sur le nucléaire avec l’Iran sont nécessaires.
Il y a bien 20 ans que « Bibi » Nétanyahou affirme que Téhéran saurait dans l’heure se doter de l’arme nucléaire. Il l’a redit mardi, devant un Congrès à majorité républicaine immensément sympathique à sa rhétorique, dans un discours d’une efficacité, disons-le, sensationnelle, saupoudré d’allusions à l’Holocauste et de prédictions apocalyptiques advenant le cas où un accord sur le nucléaire serait conclu avec le régime théocratique iranien. Son discours aura été un condensé de tout le mal qu’il pense de l’Iran, de son régime antisémite et « génocidaire » et de la menace « existentielle » que ses activités terroristes au Moyen-Orient et sa quête de la bombe atomique représentent, à son avis, pour Israël. Une diabolisation qui n’est pas entièrement imméritée, bien entendu, notamment au regard de la négation des libertés démocratiques qu’endurent les Iraniens, ce dont il a parlé en passant, mais qui était au final trop grossi pour être vraiment crédible.
L’Iran et le groupe État islamique sont les deux côtés de la même médaille, a-t-il dit en substance ; il n’y a pas de plus grande menace que le « mariage de l’islamisme radical et de la bombe nucléaire ». Comme, d’après lui, l’Iran ne saurait en aucun cas être digne de confiance, il faut continuer de s’en tenir au régime asphyxiant des sanctions. La conclusion d’un accord tel qu’envisagé par Washington et ses partenaires internationaux autoriserait Téhéran à s’armer « en toute légitimité » et lancerait le « compte à rebours vers une guerre nucléaire potentielle ».
Son discours, copieusement applaudi par les élus républicains, aura surtout été un exercice de propagande anti-iranienne — et anti-Obama. Et, par-delà les océans, un cri de ralliement lancé à son électorat propre — puisque les Israéliens s’en vont aux urnes le 17 mars prochain — depuis l’une des tribunes étrangères les plus prestigieuses.
Le fait est donc que, les républicains cédant à des pulsions hyperpartisanes dans l’espoir de mettre des bâtons dans les roues du président démocrate, le discours qu’ils ont invité M. Nétanyahou à venir leur faire ne passera pas à l’histoire comme une contribution utile au débat.
Les négociations associant, d’un côté, l’Iran et, de l’autre, les États-Unis, l’Allemagne, la Russie, la Grande-Bretagne, la Chine et la France en sont à un point critique. L’objectif est de parvenir à une entente préliminaire le 31 mars et à une entente finale le 30 juin. Il y a encore loin de la coupe aux lèvres, a déclaré lundi le président Obama à Reuters, en guise de réponse préventive aux assauts attendus du premier ministre israélien. Pourquoi en effet, contrairement à ce que ne cesse de laisser entendre Bibi, le groupe dit du P5 +1 irait-il signer un accord bancal ? Vrai qu’on en sait peu sur la nature des pourparlers. L’Iran, en deux mots, serait en voie d’accepter, contre un allégement progressif des sanctions, de plafonner de façon vérifiable sa production d’uranium enrichi afin qu’elle ne serve qu’à des fins civils. L’accord porterait sur 10 ans.
Au fait, Israël a une poutre dans l’oeil : l’Iran est signataire du Traité de non-prolifération (TNP) des armes nucléaires, Israël ne l’est pas, qui possède la bombe atomique et qui a toujours refusé d’autoriser l’inspection de ses infrastructures nucléaires.
La conjoncture plaide pour le rétablissement du dialogue et des ponts avec l’Iran. La « libération » de l’Irak par les Américains a fait de Téhéran un acteur incontournable. Un accord sur le nucléaire est une étape obligée.
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