États-Unis–Iran : la «lettre de menaces» des sénateurs républicains
Les républicains, qui privilégient les sanctions économiques plutôt que les négociations dans le dossier du nucléaire iranien depuis le début de la présidence Obama, commencent à «sentir la soupe chaude». Leur dernière mesure en lice : une lettre signée par 47 sénateurs pour décourager l’Iran de conclure cet accord.
Le 9 mars dernier, Josh Rogin, chroniqueur du site Web BloombergView, publiait une copie de la lettre adressée par 47 sénateurs républicains aux dirigeants de la République islamique d’Iran.
Cette lettre vise à décourager l’Iran de signer un accord sur son programme nucléaire, en affirmant qu’il pourrait être révoqué par le Sénat ou le prochain président une fois que Barack Obama aura quitté la Maison-Blanche, en 2017.
47 sénateurs républicains cherchent à jouer les troubles-fêtes
Tout comme le discours prononcé, le 3 mars dernier, par le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu devant une session conjointe du Sénat et de la Chambre des représentants, la lettre des sénateurs républicains a été vivement critiquée par le président Obama et son administration.
L’instigateur de cette lettre, Tom Cotton — un républicain de l’Arkansas qui a défait le démocrate sortant Mark Pryor aux élections de mi-mandat, en novembre 2014 —, a répliqué aux critiques du vice-président, Joe Biden.
Faisant référence aux propos de l’ex-secrétaire à la Défense de l’administration Obama, le républicain Robert Gates, Cotton a suggéré que Biden s’est trompé sur la majorité des grandes décisions de politique étrangère des 40 dernières années.
Quatre candidats potentiels à l’investiture républicaine de 2016 qui siègent au Sénat ont cosigné la lettre en question : Marco Rubio (Floride), Ted Cruz (Texas), Lindsey Graham (Caroline du Sud) et Rand Paul (Kentucky).
Cotton a même invité tous les aspirants présidentiels pour 2016, dont Hillary Clinton, à signer la lettre. Le leader de la majorité républicaine, Mitch McConnell (Kentucky), et le président de la commission sénatoriale sur les forces armées, John McCain (Arizona), font aussi partie des signataires.
Néanmoins, le numéro un de la commission sénatoriale sur les relations extérieures, Bob Corker (Tennessee), est un des sept républicains qui n’y a pas apposé sa signature.
Corker a choisi de se distancer de ses collègues parce qu’il tente de réunir une majorité des deux tiers du Sénat pour approuver son projet de loi bipartisan, lequel permettrait au Congrès de réviser un éventuel accord sur le nucléaire iranien. L’appui des démocrates serait nécessaire pour renverser un possible véto présidentiel dans ce dossier, et cette lettre rend plus ardue la tâche de les convaincre.
Une tentative de sabotage de la politique étrangère ?
Pour certains, comme Max Fisher de Vox, les républicains du Congrès viennent de pousser leur stratégie d’obstruction au-delà d’une ligne qu’ils n’avaient pas osé franchir jusqu’à présent : nuire à la politique étrangère des États-Unis.
L’interposition de ces sénateurs dans les pourparlers représente un rare cas dans l’histoire du Congrès, selon le spécialiste Norman Ornstein. En revanche, la discussion entre les membres du Congrès et des représentants de gouvernements étrangers est chose commune. C’est aussi l’un des moyens non législatifs dont disposent sénateurs et représentants pour tenter d’influencer la politique extérieure.
Dans leur lettre, les sénateurs républicains essaient de réaffirmer le rôle du Congrès dans l’approbation d’un éventuel accord. Or, la manière qu’ils ont choisi de faire connaître leur position est maladroite, étant donné que si les dirigeants iraniens répondent à leur appel, ils se verront associés aux tenants de la ligne dure en Iran, qui dénoncent tout accord pour des raisons opposées.
Une approche douteuse pour aborder une question sérieuse
En jouant ainsi pour la galerie, Cotton et ses collègues discréditent leur position, qui n’est pas qu’une simple tentative de faire dérailler la politique extérieure.
Ceux-ci dénoncent le penchant de l’administration Obama pour un accord en forme simplifiée (executive agreement) plutôt qu’un traité pour sceller un éventuel accord avec l’Iran. Ils souhaitent également défendre les prérogatives de leur institution sur les enjeux d’affaires extérieures et de défense, qui se sont érodées depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Par contre, en ayant recours à des stratégies similaires à celles qu’ils emploient pour leur cabale contre Obamacare, ils nuisent à la crédibilité de leur démarche. De plus, ils compromettent des initiatives qui peuvent rejoindre les démocrates — comme celle de Bob Corker, qui est déjà remise en question pour des enjeux de procédures parlementaires.
C’est enfin une preuve que les républicains, qui ont privilégié les sanctions économiques plutôt que les négociations dans le dossier du nucléaire iranien depuis le début de la présidence Obama, commencent à «sentir la soupe chaude».
Les pourparlers entre le groupe P5+1 et l’Iran se poursuivent et pourraient en effet déboucher sur une entente qui serait au cœur de l’«héritage Obama» en politique étrangère — un scénario qui les horripile.
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