De Ferguson à Selma, un poison américain
Depuis les années 1960, le racisme a indéniablement reculé aux Etats-Unis, grâce notamment aux brassages de population. Mais il demeure sournois à l’échelle institutionnelle, de la police, du système carcéral et pénal
Ce samedi en Alabama, Barack Obama va tenir un discours très attendu à l’occasion du 50e anniversaire du «Bloody Sunday», cette marche des droits civiques entre Selma et Montgomery en faveur du droit de vote qui fut réprimée dans le sang par des policiers blancs.
Une centaine d’élus du Congrès seront présents, dont John Lewis, qui fut l’une des victimes de la violence raciste sur le pont Edmund Pettus, et George W. Bush. L’événement, porté de belle manière à l’écran par la réalisatrice afro-américaine Ava DuVernay, devrait être l’occasion de constater l’énorme chemin parcouru depuis les heures sombres des lois Jim Crow et de la ségrégation raciale.
Pour le premier président noir des Etats-Unis, la cérémonie de Selma sera peut-être au contraire le lieu pour souligner que les victoires obtenues par les figures des droits civiques comme Martin Luther King, Bayard Rustin ou encore Maya Angelou ne constituent pas un aboutissement et que le combat pour l’égalité raciale continue. Le révérend Frederick Douglas Reese, un camarade de cellule de Martin Luther King que Le Temps avait rencontré en juin de l’an dernier à Selma, l’avoue: «J’ai parfois l’impression que l’Amérique a très peu appris.» Les récentes bavures des forces de l’ordre ont mis en lumière les rapports très conflictuels entre la police et les minorités, en particulier les Afro-Américains. Mercredi, le Département américain de la justice a refusé, faute de preuves tangibles, de poursuivre le policier blanc qui a tué le jeune Afro-Américain Michael Brown en août à Ferguson, un petite ville du Missouri. Mais il a documenté l’attitude raciste de l’institution policière susceptible de créer un climat favorable à ce type de dérapage.
Depuis les années 1960, le racisme a indéniablement reculé aux Etats-Unis, grâce notamment aux brassages de population. Mais il demeure sournois à l’échelle institutionnelle, de la police, du système carcéral et pénal. Même sous la présidence de Barack Obama, les Noirs paient encore le prix d’un lourd passé en restant confinés dans des ghettos qui ont vu le jour en vertu de la politique raciste de la Federal Housing Administration.
A Selma, la présence de George W. Bush sera d’ailleurs moyennement appréciée. Ce sont les juges qu’il a nommés à la Cour suprême qui ont sapé en 2013 un volet majeur de la loi sur le droit de vote. C’est aussi sous son règne, entend-on, que la dérégulation a mené à la Grande Récession qui a touché de façon disproportionnée la communauté noire.
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