Iran: One’s Euphoria, Another’s Anger

 

 

 

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Iran : l’euphorie des uns, la colère des autres

L’accord de Lausanne est historique. Une fois levées les réticences des plus récalcitrants, la réconciliation avec l’Iran deviendra une aubaine économique.

Dans l’immédiat, c’est l’euphorie à la Maison-Blanche et dans la rue iranienne. Pour Barack Obama, c’est incontestablement un succès diplomatique et politique. Dès son premier mandat, il avait estimé que la diplomatie devait l’emporter sur la force dans les relations avec l’Iran. Il voulait parvenir à renouer des relations normales avec cette grande puissance moyen-orientale avec laquelle les ponts avaient été coupés en 1979. À Lausanne, ces derniers jours de négociation, le président américain était tenu au courant, heure par heure, de l’avancée des discussions.

Obama est persuadé que sans l’Iran et son retour dans la communauté internationale, le Moyen-Orient ne peut retrouver la paix. Jusqu’à présent, et si le processus de négociations avec l’Iran aboutit dans trois mois, cette victoire diplomatique sera la première et la seule de la politique américaine dans la région. Ni l’Afghanistan ni l’Irak ne sont en paix, la question palestinienne n’est pas réglée et Bachar el-Assad est toujours aux manettes dans une Syrie où le groupe État islamique vient de se rendre maître de tous les postes-frontières syriens avec la Jordanie. Sans parler de la troisième guerre régionale qui a débuté au Yémen.

Scènes de liesse à Téhéran

L’accord-cadre est aussi un succès pour le président iranien, Hassan Rohani et son gouvernement. Il espère une levée des sanctions qui mettent l’économie iranienne à genoux. C’était une de ses promesses de campagne. Jeudi soir, à l’annonce de l’accord, des milliers d’Iraniens sont descendus dans Vali Asr, une grande artère de Téhéran, pour chanter et danser. Dans la nuit, le retour de Mohamed Javad Zarif, le ministre des Affaires étrangères, a été accueilli par des cris de joie à l’aéroport de Téhéran. Certains ont même comparé le chef de la diplomatie à Mossadegh, l’ex-Premier ministre, père du nationalisme iranien, qui fut renversé par un coup d’État américain après avoir nationalisé le pétrole en 1953. Les responsables iraniens, et au premier chef, le Guide de la révolution, l’ayatollah Khamenei, devront tenir compte de cet enthousiasme populaire. Le Guide sera d’ailleurs le seul à décider de la suite de l’accord, même si l’aile conservatrice du Parlement et les Gardiens de la révolution rechignent à l’accord-cadre de Lausanne.

Très manifestement, Iraniens et Américains étaient bien décidés à aboutir à cet accord-cadre. Selon des informations venues d’Iran, c’était la première fois ces derniers jours que les négociations se déroulaient à trois niveaux. Au niveau politique entre les “cinq + un” (États-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne et Allemagne) et l’Iran ; au niveau technique entre les Iraniens et les Américains seuls ; et au niveau juridique entre des grosses pointures de deux bords.

Chaque camp bombe le torse

Certes, les discussions des deux camps ne débouchent, dans l’immédiat, que sur un accord dont les modalités devront être précisées. Mais les grandes lignes sont tracées. Le droit de l’Iran à mener des activités d’enrichissement dans le cadre du nucléaire civil est reconnu. C’est la principale victoire de la République islamique, c’était l’une de ses grandes revendications. En contrepartie, le nombre des centrifugeuses doit passer de 19 000 à 6 104 puis à 5 060 dans les dix ans. L’uranium ne devra pas être enrichi à plus de 3,67 % pendant quinze ans (il faut du 20 % pour une bombe atomique). Et les 10 tonnes d’uranium faiblement enrichi que l’Iran possède actuellement devront être ramenées à 300 kilos. La Russie s’est proposée pour recevoir le combustible iranien déjà retraité.

Autant de précisions qui, de part et d’autre, peuvent soulever les réticences des nombreux opposants à l’entente américano-iranienne. “Nous venons de livrer un cheval de course contre une bride déchirée”, écrivait un éditorialiste proche du Guide, à Téhéran, le 3 avril. Aussi chaque camp, tout en se félicitant du moment historique, a bien pris soin de bomber le torse, pour convaincre ses opposants que rien n’a été lâché. Mohammad Javad Zarif a affirmé, à son retour, qu’il n’y aurait pas de fermeture d’installations nucléaires, que le centre de Fordow continuerait à fonctionner et que le réacteur à eau lourde d’Arak serait modernisé. Les Occidentaux précisaient, eux, que seul Natanz demeurerait un site d’enrichissement de nucléaire civil, le centre de Fordow devant être réservé à la recherche. Chacun dit une moitié de la vérité.

Une aubaine économique

Pour rassurer ses alliés israélien et saoudien (Barack Obama a téléphoné à Benjamin Netanyahu et au roi Salman d’Arabie saoudite), et désamorcer la colère des représentants républicains, Barack Obama a lourdement insisté sur la réversibilité de l’accord-cadre et l’importance des vérifications qui seront ensuite menées par l’AIEA pour s’assurer que l’Iran respecte sa signature. Les sanctions seront levées les unes après les autres. Il y a trois types de sanctions, celles de l’ONU, des États-Unis et de l’Union européenne. Les deux dernières pourraient être “abrogées” ou “suspendues” selon les interlocuteurs, assez rapidement.

Ces trois mois avant le 30 juin et la mise au point de l’accord-cadre serviront (très certainement avec des hauts et des bas) à finaliser le texte, mais aussi à tenter de désamorcer les ultimes réticences des opposants de tous bords. À l’exception de l’indéfectible résistance d’Israël, nombre d’entre elles s’effaceront peu à peu devant l’intérêt économique que représente l’Iran pour les entreprises occidentales et pour l’amélioration de la vie quotidienne des Iraniens. Un pays de 78 millions d’habitants, troisième puissance pétrolière du monde, hier ouvert sur l’Occident et qui ne demande majoritairement qu’à renouer avec lui. En ces temps de morosité économique, c’est une aubaine.

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