Hillary, si riche et si inévitable?
Le faux suspense de la candidature de Hillary Clinton a donc pris fin. L’épouse de Bill Clinton s’annonce donc à ce jour – mais les campagnes présidentielles américaines ne sont jamais jouées d’avance – comme la plus sérieuse, sinon la plus formidable prétendante au Bureau ovale de la Maison-Blanche. D’abord, parce que selon les critères américains, elle est l’une des candidates les mieux préparées que les Etats-Unis aient connu depuis des années. Elle est engagée en politique depuis sa jeunesse, elle a tutoyé les cimes du pouvoir occupées pendant vingt ans par son mari, d’abord comme gouverneur, puis comme président. Elle a ensuite acquis une expérience législative de huit ans au Sénat – un parlementaire américain a autrement plus de pouvoir et d’influence qu’un parlementaire européen – puis comme patronne de la diplomatie US. Excusez du peu…
Pourtant, la candidature Clinton charrie avec elle quelques questions, problèmes et zones d’ombre. Jusqu’à présent – c’était le cas lors de sa première tentative de 2008, ce l’est encore plus cette fois-ci – cette candidature a surtout été basée sur la notion d’inévitabilité, dont l’élément féminin, couplé à un CV sans pareil, était déterminant. Une première femme présidente, à l’expérience incontestable : comment les Etats-Unis pourraient-ils se refuser une si formidable opportunité ?
Le progrès civilisationnel que représente cette perspective est évidemment capital, pour les Etats-Unis comme pour le reste du monde. Mais au-delà, tant Hillary Clinton que son entourage ont jusqu’à présent été incapables de définir quel serait le projet mobilisateur d’une présidence « Rodham Clinton ». Ce défaut trahit en creux que ce projet ne serait en fait depuis longtemps qu’une (re-)conquête du pouvoir, pour le pouvoir. Hillary Clinton devra faire beaucoup pour dissiper ce sentiment.
Il y a aussi une ombre : c’est celle de l’argent. Si Madame Clinton a pu rendre sa candidature « inévitable », décourageant tout candidat démocrate sérieux à se lancer contre elle, c’est aussi parce que son clan est capable de mobiliser des moyens inouïs pour une campagne présidentielle : un à deux milliards de dollars ! Les 800 millions d’Obama en 2008, un record pour l’époque, paraissent bien loin. Mais à la différence d’Obama, les caisses de Hillary seront aussi amplement alimentées par un vieux réseau de relations, en particulier dans le monde des affaires. C’est une des faces sombres, et non la moindre, du clan Clinton.
Cette capacité financière est consubstantielle à l’élément dynastique, qui sera sans doute la caractéristique historique de cette élection, avec l’entrée en lice prochaine du républicain Jeb Bush. C’est l’aspect le plus inquiétant de cette évolution du système présidentiel américain : l’idée que la présidence, désormais, reviendra à celui ou celle qui sera capable de lever le plus de fonds. Faut-il préciser que ce n’est pas précisément la meilleure idée qu’on peut se faire de la démocratie ?
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