Il n’y a pas longtemps, dès qu’on entrait les noms d’Alec Baldwin et de Montréal dans un moteur de recherche, on tombait invariablement sur le nom de Geneviève Sabourin. Se mettait alors à défiler la triste histoire de harcèlement que l’actrice québécoise a fait subir à l’acteur américain et la sentence de six mois de prison que la blonde de 40 ans a écopée. Comme pub pour Montréal, ce n’était pas idéal.
Mais depuis quelques jours, il y a du nouveau dans les moteurs de recherche. Et le nom de Geneviève Sabourin a été remplacé par celui de C2 Montréal, une conférence immersive qui se déroule du 26 au 28 mai et qui se présente désormais comme un Davos de la créativité. Rien de moins.
Manque de chance, un des invités vedettes de ce Davos créatif 2015, l’acteur, producteur et pivot diabolique de la série House of Cards, Kevin Spacey, a annulé sa participation. C’est Alec Baldwin qui officiera à sa place lors d’une rencontre publique à l’Arsenal, dans Griffintown.
J’avoue que ce choix de dernière minute m’a étonnée et déçue. Autant j’adore Kevin Spacey, autant Alec Baldwin – cette grande brute sanguine sans manières – me donne de l’urticaire. Surtout après tout ce qui s’est passé avec Geneviève Sabourin.
Car même si la dame a pété les plombs et que son hystérie méritait d’être freinée, Baldwin aurait pu régler cette affaire avec un minimum d’élégance, ce qu’il n’a pas fait. Il a été odieux en la traînant en cour et odieux de prétendre qu’il avait peur d’une femme qu’il avait pourtant invitée à dîner en lui faisant les yeux doux. Tant mieux si le juge qu’il connaissait lui a donné raison. Il n’en demeure pas moins que dans cette affaire, Baldwin est moins une victime qu’une vedette qui a abusé de son pouvoir et de sa notoriété.
S’ajoutent à cette sordide histoire les propos homophobes que l’acteur a tenus à l’égard d’un journaliste qu’il a traité de «petite tapette venimeuse» sur Twitter et qui ont fini par lui faire perdre son talk-show qui battait de l’aile sur MSNBC. S’ajoute aussi, quand on remonte dans le temps, le message acrimonieux qu’il a laissé sur le répondeur de sa fille de 12 ans, la traitant de «porc impoli et irréfléchi» alors qu’il divorçait de sa mère, l’actrice Kim Basinger.
Colérique, impulsif, porté à agresser physiquement ou verbalement ceux qui ne font pas son affaire, Alec Baldwin a beau être un acteur de talent, ce n’est pas un être humain particulièrement sympa.
Mais comme me le faisait remarquer Nadia Lakhdari, la chargée du contenu de C2 Montréal, ce n’est pas pour ses qualités humaines ni pour ce qu’il fait de sa vie privée que Baldwin a été invité à Montréal. C’est pour l’ensemble de son oeuvre qui court sur plusieurs décennies, passe des soaps d’après-midi aux soaps du soir, puis de la télé au cinéma et qui en a fait, au passage, le chouchou de Saturday Night Live qu’il a animé pas moins de 16 fois.
Depuis qu’il s’est réinventé aux côtés de Tina Fey dans la peau du fourbe et du menteur de la série 30 Rock, Alec Baldwin est devenu le héros des Américains les plus branchés. Tout ce qu’il lui manque, comme le soulignait le critique américain James Wolcott, c’est un rôle marquant qui l’aurait immortalisé à l’écran et lui aurait donné la légitimité d’un Jack Nicholson. Ce rôle semble n’avoir jamais croisé la route d’Alec Baldwin. Peut-être ne l’a-t-il pas vu, peut-être qu’on ne le lui a jamais offert. Qui sait si ce rôle marquant n’aurait pas adouci l’amertume d’un acteur qui menace à tout bout de champ de quitter le métier?
En lisant à son sujet, je me suis rendu compte que C2 Montréal avait peut-être finalement réussi un coup fumant en l’invitant. Car ce qui est bien avec le bonhomme, c’est qu’il a une grande gueule, qu’il ne se gêne pas pour l’activer, quitte à proférer des énormités qui se retournent contre lui.
Contrairement aux acteurs américains trop propres et policés qui ne parlent jamais sans demander la permission à leur agent, leur gérant, leur avocat et leur entraîneur, Baldwin dit tout ce qui lui passe par la tête, distribue généreusement ses opinions politiques (c’est un démocrate) et plonge tête première dans la controverse comme s’il s’agissait d’un océan bienfaisant.
Si on lui en donne l’occasion, il peut aussi bien accabler publiquement Hollywood, dire tout le mal qu’il pense de Fox News, affirmer que Barack Obama a été élu parce que les Américains sont moins racistes que sexistes et une foule d’autres choses aussi divertissantes.
Je pense bien que j’irai l’entendre en m’enduisant toutefois de crème contre l’urticaire. Mais ne me demandez pas de changer d’avis à son sujet. Être drôle et divertissant peut excuser bien des choses, mais sans doute pas l’essentiel.
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