Inégalités et démocratie aux États-Unis
Dans un contexte marqué par la croissance des inégalités de revenus, des politologues se penchent sur la question fondamentale de l’impact de ces inégalités sur la démocratie. Leurs conclusions sont à la fois éclairantes et inquiétantes.
Alors que s’amorce déjà le grand cirque des élections de novembre 2016 aux États-Unis, il convient de rappeler que, dans les faits, les campagnes électorales et la lutte pour le pouvoir dont elles font partie sont plus ou moins permanentes dans ce pays. Donc, tous les choix des gouvernements devraient avoir pour but d’ajuster les politiques aux préférences de la masse des citoyens qui, en principe, devraient pouvoir exercer leur pouvoir démocratique par l’entremise de leurs représentants.
Les États-Unis sont-ils vraiment une démocratie? Dans une récente chronique, je soulignais le phénomène inquiétant de l’emprise de plus en plus forte d’une poignée de milliardaires sur le financement des campagnes électorales. On peut supposer que cette emprise rend les politiciens dépendants des mieux nantis et plus sensibles à leurs préférences, mais dans une démocratie les citoyens ordinaires devraient quand même avoir un gros mot à dire, étant donné leur nombre. Qu’en est-il dans les faits?
L’hypothèse de la démocratie tient-elle la route?
Pour répondre à cette question, les politologues Martin Gilens et Benjamin Page ont développé une approche ingénieuse. Sur une période échelonnée entre 1981 et 2002, ils ont identifié 1779 propositions de politiques sur lesquelles des données étaient disponibles sur les préférences du public. De ce nombre, moins du tiers ont effectivement donné lieu à des modifications des politiques existantes, ce qui n’est pas étonnant, car le système politique américain a été conçu comme une course à obstacles difficile à franchir.
La question qui se pose est: lorsque les politiques sont modifiées, ces modifications vont-elles dans le sens de l’intérêt du public tel qu’exprimé par les sondages? La réponse initiale à cette question est encourageant : il y a une bonne corrélation (r=0,64 si vous insistez) entre les préférences du public dans son ensemble et les changements dans les politiques. Mieux, la corrélation qu’ils trouvent avec l’alignement des groupes d’intérêts n’est pas aussi bonne (r=0,59). Bravo! Le système fonctionne!
Mais ce n’est pas tout. Les auteurs montrent que la corrélation entre les préférences de ce qu’ils appellent «l’élite économique» (la tranche supérieure des revenus dans les échantillons des sondages recensés) et l’orientation des changements politiques est beaucoup meilleure (r=0,81). Là où le bât blesse, toutefois, c’est que si on considère en même temps ces trois facteurs, l’impact des préférences du citoyen moyen disparaît complètement.
En d’autres mots, les gouvernants vont habituellement dans le sens des préférences des citoyens ordinaires, mais seulement si ces préférences concordent avec celles des élites ou des groupes d’intérêts. Lorsqu’il y a conflit, les préférences des élites économiques et/ou celles des groupes d’intérêts l’emportent presque systématiquement.
En bref, ces résultats indiquent que les États-Unis ressemblent plus à une oligarchie ou une plutocratie qu’à une démocratie au sens classique du terme. Les citoyens ordinaires ne font pas le poids.
Le défi des inégalités économiques
On a pu voir un exemple probant de ce genre de dynamique au lendemain de l’élection de 2012, où Barack Obama avait promis de donner un petit coup de pouce à la classe moyenne en ajustant à la hausse les taux marginaux d’imposition des revenus supérieurs à 250 000 $. Cette proposition appuyée par une forte majorité de l’opinion publique a été battue en brèche par le Congrès. On peut dire à peu près la même chose des multiples tentatives infructueuses de majorer le salaire minimum au cours des dernières années.
C’est pourquoi la croissance des inégalités (car, n’en déplaise aux idéologues de droite et à certains jovialistes, les inégalités économiques aux États-Unissont bel et bien à la hausse) au cours des dernières décennies représente un véritable défi pour la démocratie américaine. Pendant ce temps, l’accès aux cercles restreints de la décision est de plus en plus réservé à une élite dont les préférences et intérêts ne concordent pas toujours avec ceux de l’ensemble des citoyens. Et même si nous n’en sommes pas au même point que nos voisins, il est illusoire de penser que les Canadiens et les Québécois sont à l’abri de ce genre de problèmes.
La publication des résultats de Gilens et Page a créé un certain remous l’an dernier dans les médias américains, qui étaient absorbés dans les débats entourant le problème des inégalités économiques et la concentration du pouvoir économique et politique aux mains du fameux «un pour cent». Les deux auteurs ont notamment été invités à discuter ses implications sur la démocratie américaine au populaire Daily Show, animé par Jon Stewart. Martin Gilens et Benjamin Page seront au CÉRIUM à l’Université de Montréal ce vendredi pour une conférence publique.
American socialists are amused to see that our undemocratic ” democracy ” is a surprise to any honest observer of the American political scene. Do the arithmetic: how can the ONE PERCENT amass as much ” earning power ” as the rest of the population combined ? Long ago Karl Marx explained the ” secret ” of capitalist profit making. Marx said the ruling ideas are the ideas of the ruling class. And the state is essentially a group of armed men serving the wealthy property owning classes. Education in this society is essentially an education in subservience to the demands of big capital. The collapse of the Soviet Union did not prove the excellence of wage slavery.
So Marx was right after all.
( http://radicalrons.blogspot.com )