With Drones, Americans Can’t Be Sure Who Is Going To Die

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Les pressions de la CIA n’ont pas fait fléchir le New York Times : le quotidien a publié ce week-end les noms des responsables du programme d’attaques par drone de l’agence de renseignement américaine.

Le NYT explique qu’il a agi de la sorte en raison de leur « rôle de leadership dans l’un des programmes paramilitaires les plus significatifs du gouvernement ».

Le personnage le plus emblématique est Michael D’Andrea, dont le journal indique qu’il est « converti à l’islam », tout en ayant été successivement le responsable des assassinats ciblés de la CIA dans le cadre de sa stratégie antiterroriste, avant d’être le patron des opérations de drones de la CIA au Pakistan et au Yémen ces dernières années.

Michael D’Andrea vient d’être remplacé à son poste dans le programme de drones par Chris Wood, un responsable de la lutte contre Al Qaeda et du programme d’interrogatoires de la CIA, dont un récent rapport officiel révélait le recours régulier à la torture.

Le drone, arme de l’ère Obama

Le passé de ces hommes dans les opérations les plus controversées des services américains à l’époque de l’administration Bush, montre à quel point la stratégie américaine a connu un glissement en direction des drones, devenus l’arme par excellence de l’administration Obama.

Ce graphique du New York Times illustre la progression spectaculaire des frappes de drones américains dans les zones tribales du Pakistan, visant des membres d’Al Qaeda et des talibans afghans et pakistanais, depuis 2004 ; mais surtout depuis l’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche, en janvier 2009, alors que le nouvel élu cherchait à se désengager de la guerre en Afghanistan.

L’essor des attaques de drones provoque de violentes condamnations dans les pays visés, en particulier le Pakistan et le Yémen – avec lesquels les Etats-Unis ne sont pas officiellement en guerre –, mais fait l’objet d’un assez large consensus tacite outre-Atlantique, ne serait-ce que parce qu’ils ne mettent pas en danger la vie des pilotes américains.

Le problème est que le postulat de base de l’usage du drone, selon lequel il permet des frappes beaucoup plus ciblées, a été sérieusement mis en cause par la révélation, la semaine dernière, de la mort de deux otages occidentaux – un Américain et un Italien – aux mains d’Al Qaeda lors d’une attaque au Pakistan.

« Pas certains de savoir qui va mourir »

La frappe visait un cadre américain d’Al Qaeda, qui a bien été tué, mais le renseignement américain ignorait que les otages étaient retenus dans la même maison. Barack Obama a dû prendre la parole pour exprimer ses regrets, et les Etats-Unis vont indemniser les deux familles concernées.

Mais surtout, l’incident a montré, comme l’a justement titré le New York Times, qu’« avec les drones, les Etats-Unis ne sont souvent pas certains de savoir qui va mourir »… Et d’ajouter :

« Même les attaques ciblées tuent plus de civils que les officiels ne veulent le reconnaître. »

Pour une « bavure » faisant des victimes occidentales admise, combien sont ignorées lorsqu’il s’agit de civils locaux, voire même d’enfants ? Tout indique que les pertes civiles dites collatérales sont systématiquement sous-estimées par les autorités militaires américaines, voire occultées quand il s’agit de décisions de la CIA.

Le hasard a fait que cette confirmation du président Obama a coïncidé avec la sortie en France de « Good Kill », le film d’Andrew Niccol, le portrait d’un pilote de chasse converti en pilote de drone à partir d’un conteneur métallique situé dans la périphérie de Las Vegas…

Droit de vie ou de mort

Au-delà des aspects cinématographiques discutables du film, c’est la première vision réaliste made in Hollywood du rôle des drones dans la guerre américaine moderne, avec une dimension pédagogique qui manquait jusqu’ici.

On y comprend avec précision la force redoutable que représente cette maîtrise du ciel, 24 heures sur 24, qui ne met jamais en danger le pilote, situé à 10 000 km de l’action.

Mais on y comprend, aussi, le flou artistique qui entoure une partie de la prise de décision, c’est-à-dire le droit de vie ou de mort sur ces personnages qui ressemblent à des figurines de jeux vidéo, mais qui sont bien réels dans l’objectif de la caméra du drone.

On y perçoit le risque de l’aléatoire, ou du cynisme, chez ceux qui donnent les ordres de tir de missile, dès lors qu’on a affaire à des « cibles » qui évoluent au milieu de la population civile et pas sur un théâtre de guerre.

Le développement des drones a été spectaculaire ces dernières années, au point que l’US Navy a récemment annoncé qu’elle ne recruterait plus de pilotes pour l’aéronavale, remplaçant ses avions par des drones ; et l’Europe tente de rattraper son retard en lançant un programme franco-britannique afin d’être présente sur ce « marché ».

Cette prolifération des drones n’a pourtant fait l’objet d’aucun débat public, de peu de publicité, et d’aucune réglementation internationale, au contraire d’autres types d’armement comme le nucléaire, le chimique, le bactériologique.

Une base allemande largement impliquée

Ainsi, les Allemands ont découvert grâce à des révélations du site The Intercept et du magazine Der Spiegel, que c’est dans leur pays, sur la base américaine de Ramstein, la plus grande base US à l’étranger, que se trouve le cœur névralgique du programme de drones.

Les documents de 2012 révélés par le site du journaliste Glenn Greenwald, celui de l’affaire Snowden, montrent que la base de Ramstein est impliquée dans quasiment chaque attaque de drone américain dans le monde. Et une source américaine affirme que le programme ne pourrait pas continuer de la sorte sans la base allemande.

C’est ce qu’illustre cette infographie du Spiegel, qui montre comment la base de Ramstein est reliée par câble au QG des drones à Creech, près de Las Vegas, et par satellite aux drones en opération.

Le problème est que la chancelière Angela Merkel avait nié tout rôle opérationnel de Ramstein lorsque les premières rumeurs ont commencé à circuler il y a deux ans. Qui ment ?

Le débat sur le rôle des drones dans les stratégies militaires, dans les armées américaine, européenne, mais aussi chinoise, russe ou israélienne, ne fait que commencer. A condition que les opinions publiques s’emparent du sujet, trop important pour être laissé aux seuls militaires…

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