From Ferguson to Baltimore, the Essential American Soul-Searching

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De Ferguson à Baltimore, l’indispensable examen de conscience américain

Editorial du « Monde » Ferguson, Baltimore, même combat ? Il est tentant de comparer les émeutes qui ont suivi la mort de deux jeunes Noirs entre les mains de la police, Michael Brown, 18 ans, à Ferguson (Missouri) en août 2014 et Freddie Gray, 25 ans, la semaine dernière à Baltimore (Maryland). Les similitudes sont frappantes entre ces deux tragédies, qui ne sont d’ailleurs que les plus connues d’une trop longue série de bavures policières ou de morts suspectes au sein de la minorité afro-américaine. Mais il y a aussi des différences et, paradoxalement, elles révèlent la profondeur du problème auquel se heurte la société américaine.

A Ferguson, le policier qui a tiré sur Michael Brown a été considéré, par la justice locale et par une enquête fédérale, comme ayant agi en état de légitime défense. A Baltimore, Freddie Gray a été frappé par les policiers après son arrestation pendant son transport dans leur véhicule, alors qu’il n’opposait pas de résistance, et il est, selon les premières constatations, mort de ses blessures après être tombé dans le coma. Les six policiers impliqués ont d’ailleurs été suspendus. On semble donc, à Baltimore, être en présence d’une violence policière délibérée.

L’autre différence importante est que, contrairement à Ferguson, la communauté afro-américaine est bien représentée à la municipalité et dans la police de Baltimore. La maire, Stephanie Rawlings-Blake, est noire, le chef de la police, le procureur et la moitié des policiers sont noirs. Le racisme et la discrimination ne sont donc pas les premières raisons de l’explosion de colère des habitants.

« Une longue crise larvée »

Sa cause principale relève de cette « longue crise larvée » pointée, mardi 28 avril, par Barack Obama. A juste titre, le président américain fait la part des choses entre le comportement des voyous et pillards qui ont profité de la situation pour mettre à sac un quartier pourtant déjà lourdement pénalisé par le chômage et la délinquance, et la légitime indignation de la minorité noire face à la violence policière. Les premiers, a-t-il dit, sont des « criminels ». Les autres, a reconnu le président, réagissent à cette question « troublante » que pose l’attitude de la police face aux Noirs, particulièrement de sexe masculin. Comme l’a souligné le président avec lucidité, « il n’y a là rien de nouveau, et personne ne doit prétendre que ça l’est ».

C’est, en effet, une histoire vieille comme les Etats-Unis, et la couleur de ceux qui tiennent la matraque, ou le revolver, n’y change rien. Les émeutes et violences urbaines qui ont marqué ces dernières décennies ont trop souvent comme point de départ la volonté de protester contre l’impunité de la police et son traitement de la communauté noire.

Barack Obama a appelé à « un examen de conscience » de tout le pays. Premier président noir des Etats-Unis, il a jusqu’ici été réticent à faire de la défense de la minorité afro-américaine une cause prioritaire. Aujourd’hui, il approche de la fin de son deuxième mandat et n’a plus rien à perdre : cet appel est donc le bienvenu. Mais l’examen de conscience qu’il invoque passe aussi par un examen de la politique pénale, qui peuple actuellement les prisons américaines de 2,3 millions de détenus, en grande majorité noirs. Avec une candeur stupéfiante, l’ex-président Clinton vient de reconnaître que la politique répressive radicale menée dans les années 1990 pendant ses deux mandats avait « dépassé la limite ». Il est plus que temps d’en tirer les leçons.

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