Obama between the Gulf and Tehran

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Obama entre le Golfe et Téhéran

Barack Obama s’est livré, jeudi 14 mai, à un difficile exercice de « calinothérapie » auprès des alliés arabes des Etats-Unis de la région du Golfe. Il a reçu à Camp David, dans le Maryland, les représentants de six pays que la perspective d’un accord sur le nucléaire iranien effraie au plus haut point. Il les a rassurés sans céder en rien sur sa volonté d’obtenir fin juin un bon document de non-prolifération nucléaire avec la République islamique d’Iran. Il a eu raison.

Les six pays du Conseil de coopération du Golfe, le CCG (Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar) redoutent notamment la levée des sanctions économiques pesant sur Téhéran en cas d’entente avec l’Iran. Elle accroîtra la puissance financière de l’Iran et les moyens dont il dispose pour étendre son influence dans la région. Ce sera autant de subventions en plus à dispenser au profit des alliés arabes de l’Iran – le Hezbollah libanais, les véritables armées que sont les milices chiites irakiennes, le régime de Damas, soutenu à bras-le-corps par l’Iran, enfin les houthis du Yémen.

Pour les membres du CCG, qui, sous la direction de l’Arabie saoudite, regroupe les sunnites, la capacité de déstabilisation régionale de la République islamique, chef de file de la branche minoritaire de l’islam, le chiisme, va s’en trouver décuplée. Ils craignent que, dans l’affrontement régional en cours – en Syrie, en Irak, au Yémen, notamment –, la balance ne finisse ainsi par pencher en faveur de l’Iran chiite.

Incidemment, c’est la perspective d’un accord sur le nucléaire iranien qui a fini par pousser les trois puissances sunnites que sont la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar, à faire taire leurs divergences et à appuyer ensemble les rebelles syriens. Objectif : s’efforcer de faire tomber Bachar Al-Assad, le protégé de Téhéran, avant la fin juin. D’où la pression actuelle sur le régime de Damas.

Course aux armements

Les craintes des six pays du CCG ne sont pas infondées. M. Obama a réitéré à Camp David « l’engagement inébranlable des Etats-Unis pour leurs partenaires du Golfe ». Il a évoqué des « assurances concrètes », mais s’est refusé, comme ils le lui demandaient, à signer avec eux un traité de sécurité en bonne et due forme. Il n’a pas tort. Les pays du CCG regorgent des armements les plus sophistiqués : avec un montant de 80 milliards de dollars l’an passé, le budget de la défense de Riyad est six fois supérieur à celui de Téhéran. La course aux armements ne fera qu’accentuer le grand affrontement en cours au Moyen-Orient, dans lequel la responsabilité de l’Arabie saoudite, promotrice acharnée de l’extrémisme islamiste, est au moins aussi grande que celle de l’Iran, moteur de l’expansionnisme chiite.

Nul ne sait la dynamique politico-diplomatique qu’entraînera ou non un accord sur le nucléaire iranien – positive, neutre, négative ? Mais, en refusant un alignement unilatéral sur les desiderata du CCG et d’Israël, lesquels prônent tous le conflit avec l’Iran, Barack Obama se donne au moins une chance d’ouvrir la voie à une normalisation des relations Téhéran-Washington. Bref, de placer les Etats-Unis en mesure de parler à la fois à l’Iran et à l’Arabie saoudite et d’inciter les deux théocraties régionales à amorcer un dialogue. Même si elle reste ténue, c’est la seule perspective d’apaisement réel dans l’affrontement qui met aujourd’hui le Moyen-Orient à feu et à sang.

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