The US Powerless against Islamic State’s Advance

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Les Etats-Unis impuissants face à l’avancée de l’Etat islamique

Une année pour rien ? C’est le constat sévère que la conquête par les djihadistes de l’Etat islamique (EI) de la ville symbolique de Palmyre, en Syrie, trois jours après celle de Ramadi, en Irak, invite à dresser. Moins d’un an après la chute de Mossoul, deuxième ville irakienne, l’EI réaffirme son emprise sur un vaste territoire qui s’étend de part et d’autre d’une frontière désormais caduque.

La chute de l’oasis syrienne en dit long sur l’état des forces restées loyales à Bachar Al-Assad. Elles ont été incapables de défendre ce verrou stratégique connu pour ses ruines antiques comme pour la prison où furent détenus, torturés et exécutés des centaines d’islamistes, dans un contexte qui interdisait une intervention américaine sous peine d’apparaître comme un supplétif de Damas. La perte de Ramadi, quant à elle, souligne les angles morts de la stratégie de Washington visant, face aux djihadistes, à combiner troupes irakiennes au sol et appui aérien massif assuré par l’armée américaine.

Les dernières heures qui ont précédé, le 17 mai, la chute de la capitale de la grande province sunnite d’Anbar en atteste : les raids aériens américains, quel qu’en soit le nombre, montrent vite leurs limites si le premier pilier de cette stratégie est défaillant. En l’occurrence, la déroute de l’armée irakienne renvoie à une autre impasse : la fracture confessionnelle entre la majorité chiite et la minorité sunnite à laquelle le gouvernement d’Haïder Al-Abadi devait remédier.

Enracinement de l’EI

Le président Barack Obama en avait fait un préalable à la poursuite des opérations américaines. Mais la polarisation communautaire a empêché jusqu’à présent la création, aux côtés de l’armée régulière, d’une garde nationale au sein de laquelle les sunnites pourraient jouer localement un rôle sur le modèle de la « Sahwa », les milices du « Réveil » qui avaient contribué à la mise en échec des groupes djihadistes en 2007 et 2008. Ces milices sunnites, auxiliaires des troupes américaines, avaient été par la suite laissées en déshérence par les autorités centrales irakiennes au rythme des retraits américains, et particulièrement visées par des représailles. Un précédent qui complique la réédition de l’expérience.

Dimanche, le Pentagone avait rechigné à confirmer la déroute de Ramadi. Mardi, le porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest, a tenté de la relativiser en rappelant que M. Obama a toujours indiqué que la lutte contre l’Etat islamique serait longue et qu’elle comporterait « des avancées » et « des reculs ». Il a répété, comme de nombreux responsables américains, que Ramadi finirait par être reprise, et a rappelé les revers subis ces derniers mois par les djihadistes à Kobané, en Syrie, et à Tikrit, en Irak, pour souligner la pertinence de la stratégie américaine. M. Earnest a également légitimé le recours aux milices chiites, particulièrement décriées par les sunnites, en indiquant qu’il avait été validé par le conseil de la province d’Anbar, que les moyens mobilisés comporteraient également « des volontaires sunnites » et des « combattants tribaux », et qu’ils resteraient sous le contrôle de Bagdad.

Un an après la prise de Mossoul, un rapport de la Rand Corporation cité par le New York Times fait état de l’enracinement de l’EI dans les territoires conquis. L’analyse relativise la part des revenus générés par la contrebande de pétrole, qui a été particulièrement ciblée par les raids, par rapport à ce que rapporte la mise en coupe réglée de ces régions. Face à cette résilience, la stratégie de Washington est également pénalisée par les divergences d’intérêts régionaux, qui coexistent au sein de la coalition contre l’Etat islamique mise sur pied à l’automne 2014.

Les républicains donnent de la voix

L’allié turc, qui continue de privilégier la chute de Bachar Al-Assad, persiste à s’opposer à ce que les avions américains puissent utiliser sa base d’Incirlik. La lutte contre l’influence jugée croissante de l’Iran figure, par ailleurs, en tête des priorités des pays de la rive sunnite du Golfe, à commencer par l’Arabie saoudite. En ont attesté les mesures concrètes approfondissant la coopération avec les Etats-Unis annoncées lors de la réunion de ces pays à Camp David, le 14 mai. L’ampleur de l’engagement militaire arabe au Yémen, contre la milice houthiste accusée d’être soutenue par Téhéran, en est une autre preuve.

Le revers de Ramadi a redonné de la voix à l’opposition républicaine américaine, prompte à dénoncer la pusillanimité supposée de M. Obama, mais elle se garde bien d’esquisser des stratégies alternatives, l’envoi de forces supplémentaires mis à part. La Maison Blanche a d’ailleurs pointé que le Congrès, désormais contrôlé totalement par les républicains, s’est montré incapable jusqu’à présent d’adopter, à l’invitation du président, une nouvelle loi autorisant l’usage de la force armée qui viserait spécifiquement les milices djihadistes à la manœuvre en Syrie comme en Irak.

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