L’immigration au cœur des fractures américaines
Il n’y a pas que l’Europe qui soit à la peine face à l’un des grands mouvements de l’époque : l’immigration. Les Etats-Unis aussi se divisent sur une question qui leur est pourtant plus familière : l’immigration est l’un des éléments constitutifs de leur ADN. Mais, outre-Atlantique, comme sur le Vieux Continent, l’ampleur de la vague migratoire bouleverse le jeu politique et sera l’un des éléments clés de l’élection présidentielle du 8 novembre 2016.
Depuis des années, les Etats-Unis sont confrontés au problème des immigrés illégaux – au bas mot, quelque 11 millions de personnes, pour la plupart venues du sud du Rio Grande. Avec plus de 2 000 kilomètres de frontière terrestre côté mexicain et deux immense façades maritimes, le pays, sauf à se transformer en système totalitaire, peut limiter l’immigration clandestine, mais ne l’enrayera jamais complètement (l’Europe est logée à la même enseigne). Les Etats-Unis ont érigé une barrière le long du Mexique et singulièrement musclé leur dispositif de contrôle de l’immigration.
Mais, bon an mal an, le groupe des clandestins se renouvelle et se maintient. Le président George W. Bush, un républicain, et son successeur, le démocrate Barack Obama, ont bien essayé de trouver une majorité bipartisane pour légiférer sur la question. Ils ont concocté des projets de loi similaires, visant à ouvrir la voie à la légalisation de la majorité des clandestins – une population où le taux de chômage est très faible, installée depuis suffisamment longtemps pour avoir des enfants qui ont la nationalité américaine et ont eux- même des enfants…
M. Obama a réglementé par décrets
Ils se sont heurtés à la majorité des élus républicains, appuyés par une minorité de leurs collègues démocrates. Pour contourner cette majorité de blocage, M. Obama a fini par réglementer par décrets. Comme l’avait fait le président Ronald Reagan dans les années 1980, les décrets Obama permettaient la régularisation de quelque 5 millions de clandestins. Tollé immédiat dans les rangs républicains, qui ont porté l’affaire devant une cour d’appel fédérale, laquelle a décidé, mardi 26 mai, de geler les décrets présidentiels, infligeant ainsi à Barack Obama une défaite sur un point majeur de son programme.
A l’origine favorable à l’immigration, le Parti républicain est devenu le champion des Américains anti-immigration, mouvement qui n’a cessé de prendre de l’ampleur ces dernières années et qui mobilise les militants républicains les plus actifs, ceux du Tea Party, à 90 % des hommes blancs des classes moyennes. Ils dénoncent une Amérique qui change trop vite, qui se « mondialise » de l’intérieur, où les Latinos et les Asiatiques prendraient trop de place.
Le problème est que ce positionnement pourrait bien coûter l’élection présidentielle au Parti républicain. A plus de 70 %, les Américains immigrés de fraîche date votent démocrate parce que ce parti est aujourd’hui le plus ouvert à l’immigration. La fracture républicains-démocrates est en passe de se transformer en une fracture entre hommes blancs d’un côté et minorités ethniques de l’autre. Or celles-ci ne cessent de monter dans la population et de gagner en importance dans l’électorat, notamment les Latinos. Cette semaine, les républicains célèbrent la nouvelle défaite infligée à M. Obama. Mais les plus conscients d’entre eux savent que cette victoire politicienne risque d’annoncer, pour les républicains, des lendemains qui déchantent.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.