Coca-Cola, Adidas, Visa : le bal des hypocrites
Ah, qu’ils sont beaux, ces parangons de vertu que sont les sponsors de la Fédération internationale de football association (FIFA) ! Ils ont tous, ou presque, salué, mardi 2 juin, la démission de Joseph Blatter de la présidence de l’instance mondiale du ballon rond, en y voyant un grand pas vers la transparence et l’éradication de la corruption.
L’odeur du scandale et la crainte des conséquences d’une enquête judiciaire américaine pour corruption, qui n’en est qu’au début, avaient de quoi ternir l’image des principaux sponsors de la FIFA. Ils sont au nombre de cinq : les groupes américains Coca-Cola et Visa, l’allemand Adidas, le coréen Hyundai et le russe Gazprom. Ce dernier est le seul à ne pas s’être bruyamment réjoui de l’éviction de l’indéboulonnable M. Blatter. Faut-il en conclure qu’il serait malvenu de cracher dans la soupe, alors que les faits présumés de corruption portent notamment sur le choix de la Russie pour la Coupe du monde de 2018 ? Les autres mériteraient pourtant de s’imposer un petit examen de conscience avant de se parer de la blanche cape des redresseurs de torts.
Reconnaissons que ces généreux sponsors n’ont pas attendu le 2 juin pour réclamer transparence, éthique et réforme de gouvernance dans la multinationale du foot. Leur puissance financière a sans doute davantage pesé pour sortir M. Blatter du terrain de jeu que le vote « démocratique » des instances de la maison. Les sponsors apportent 350 millions de dollars (310 millions d’euros) par an dans les caisses de l’institution installée à Zurich. De quoi se faire entendre.
Le même sketch qu’en 2011
Il est amusant de revenir quatre ans en arrière, où le même sketch nous avait été joué. M. Blatter se représentait en juin 2011 pour un quatrième mandat à la présidence de la FIFA sur fond de scandale de corruption. Les sponsors ont tapé du point sur la table, alerté la presse, exigé des changements. M. Blatter a été réélu… et ils ont renouvelé leurs contrats.
Il y a tout juste un an, c’est une enquête impartiale sur l’attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar que ces mécènes intéressés ont demandée. L’enquête a eu lieu, ses conclusions ont été censurées… et Adidas a renouvelé, en novembre 2014, son partenariat officiel jusqu’en 2030. Coca-Cola renouvelle le sien de façon ininterrompue depuis 1976. Il se trouve que la compétition la plus regardée de la planète offre une vitrine publicitaire sans égale pour ces marques.
L’argent « propre » des sponsors va-t-il chasser l’argent « sale » de la corruption ? Restons prudent. « Couvrez cette corruption que je ne saurais voir », aurait pu écrire Molière, s’il était entré dans un stade de football. Dans ce bal des hypocrites, la corruption ne semble déranger que lorsqu’elle est trop visible. Mais, chut, puisque M. Blatter s’en va, tout va déjà mieux…
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