A Part of the Patriot Act Is Dead; Surveillance Is Not

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Un bout du Patriot Act s’est éteint, mais il devrait être vite remplacé par le Freedom Act, qui coince au Sénat. Pour beaucoup, il n’empêchera la surveillance massive ni sur le territoire US ni à l’international.

Une partie du Patriot Act, loi controversée et tentaculaire adoptée au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, vient d’expirer ce dimanche 31 mai à minuit, heure de Washington.

Dans les quelques sections qui se sont éteintes, l’une des plus sensibles : la section 215. En son nom, les services de renseignement américains ont massivement collecté et stocké des données portant sur les communications téléphoniques de millions d’Américains. Cette pratique, expliquée dans les toutes premières révélations d’Edward Snowden en juin 2013, a récemment été jugée illégale par une cour américaine.

Mais si la NSA a débranché certains de ses serveurs, cette mort d’un bout du Patriot Act ne signifie pas la fin de la surveillance américaine. Loin de là : pour la Maison Blanche, soutenue par nombre d’élus, hors de question de laisser le dispositif s’éteindre sans remplacement. Une nouvelle loi, le USA Freedom Act, a donc été voté il y a quelques jours par la Chambre des représentants. Mais ce dispositif reste critiqué, notamment au Sénat, qui en bloque la promulgation. Pour beaucoup, ce texte ne va pas assez loin et n’empêche en rien la surveillance massive sur le territoire américain – et encore moins à l’international.

Réunis exceptionnellement ce dimanche, les sénateurs ont une nouvelle fois échoué à trouver un compromis sur les dispositifs de surveillance. Le tout, dans une ambiance surchauffée, qui dépasse la simple enceinte du Congrès, de Washington, et de l’ensemble des formations politiques.

Une question qui transcende les partis politiques

A l’image de la France et de son projet de loi sur le renseignement, le Patriot Act et le nouveau Freedom Act divisent jusqu’au sein même des partis. L’opposition à la surveillance de masse, ainsi que l’appel à un renforcement du contrôle des services de renseignement, ne relèvent pas, en effet, d’un clivage politique classique. Et compliquent considérablement les choses.

C’est particulièrement visible du côté des républicains – qui ont la main sur le Congrès. Le New York Times écrit que trois des prétendants au poste présidentiel ont des positions parfois radicalement divergentes sur le sujet.

Rand Paul, l’un des candidats républicains à la présidentielle américaine, a fait de la lutte contre la surveillance une pierre angulaire de son programme (site officiel de campagne de Rand Paul)

Le plus emblématique, Rand Paul, en a fait une pierre angulaire de son programme. Ce libertarien s’oppose vivement aux dispositifs de surveillance de la NSA : il y a quelques jours, il a même gardé la parole pendant dix heures pour s’opposer au renouvellement du Patriot Act au Sénat !

Epaulé dans sa tâche par une dizaine de démocrates, Rand Paul fait face à des républicains qui souhaitent conserver la loi en l’état, quand d’autres sont partisans d’un prolongement du dispositif, afin de poursuivre les débats dans le but, notamment, d’adopter le Freedom Act.

Parmi eux, le républicain Mitch McConnell, président du Sénat, qui a jusque là échoué à imposer ses vues : en plus de rejeter le Freedom Act, le Sénat n’a cessé de refuser d’étendre le Patriot Act ces derniers jours. Ont été successivement soumis au vote un bonus de deux mois, puis d’une semaine, puis de quatre jours, puis de deux, pour enfin arriver à 24 heures, explique le site Real Clear Politics.

« La sécurité nationale à la roulette russe »

Malgré ces refus, le leader républicain entendait se remettre à l’ouvrage ce dimanche, lançant à ses collègues :

« C’est une opportunité supplémentaire d’agir de manière responsable pour ne pas laisser ce programme expirer. Nous vivons une période de menaces et nous savons ce qu’il se passe à l’autre bout du monde, ce qu’on essaie de faire ici, aux Etats-Unis. Chers collègues, voulons-nous vraiment que cette loi expire ? […] Nous ferions mieux d’être prêts ce dimanche après-midi pour éviter à ce pays d’être mis en danger par l’expiration totale de ce programme. »

Il est loin d’être le seul à manier cet argument, selon lequel des menaces pourraient profiter de cette pause dans la surveillance pour se faufiler et frapper les Etats-Unis. Même si la NSA n’a jamais prouvé l’efficacité de ses nombreux dispositifs, cela n’empêche pas un officiel de lâcher au New York Times :

« Ce que [les sénateurs] font, c’est jouer la sécurité nationale à la roulette russe. »

Barack Obama lui-même a fait de cette rhétorique de la peur le cœur de son intervention vidéo hebdomadaire :

« Dans notre lutte contre le terrorisme, nous avons besoin de tous les outils efficaces à notre disposition […]. Mais ce dimanche à minuit, l’un des outils importants que nous utilisons contre le terrorisme va expirer. Parce que le Congrès ne le renouvelle pas et que la loi qui pourrait le renouveler, le USA Freedom Act, est bloqué au Sénat. »

« The Free-dumb Act »

Pour mieux faire passer la pilule, Barack Obama présente le Freedom Act comme un Patriot Act expurgé des dérives révélées par Snowden : à en croire ses partisans en effet, il sera impossible pour l’Etat de stocker les données téléphoniques des Américains.

Les détracteurs du texte rétorquent pour leur part que cette surveillance ne cessera en rien. C’est particulièrement vrai pour les écoutes internationales, en rien concernées par cette actualité, mais cela vaut aussi aux Etats-Unis : les opérateurs téléphoniques, qui ont coopéré jusque là avec l’administration américaine, continueront à stocker massivement les données de leurs clients. Le New York Times, favorable à la mort du Patriot Act, résume :

« Pour la NSA, qui s’interroge depuis longtemps en interne sur l’efficacité réelle de cette collecte massive de données pendant des années, la loi rendrait les recherches de l’agence peut-être moins efficaces, mais ne les éliminerait pas. »

Ce qui fait dire à trois anciens de la NSA, également lanceurs d’alerte, que le Freedom Act ne changera rien. Dans US News, William Binney, ancien crypto-mathématicien de l’agence, ironise :

« Pourquoi croyez-vous que la NSA [ainsi que d’autres services de renseignement] le soutiennent ? »

Un autre ancien agent, Thomas Blake, appelle même la loi « The Free-dumb Act 2.0 » (« dumb » signifiant « idiot » en anglais).

« I feel naked »

Reste que les traditionnels collectifs de défense des libertés sont divisés sur le sujet. Certains se réjouissent de certaines avancées, comme la possibilité, pour les entreprises du Net, de communiquer sur les requêtes faites par les services de renseignement.

Mais beaucoup, telles que l’emblématique Union américaine pour les libertés civiles (ACLU), jugent que cela reste insuffisant. Dans un débat passionnant avec l’un de ses membres (Jameel Jaffer), le journaliste Glenn Greenwald, qui a soutenu Edward Snowden, résume :

« Même si c’est un pas vers la bonne direction, c’est un tout petit pas vers la bonne direction. »

Capture du site I feel naked, opération lancée contre la surveillance de masse aux Etats-Unis (I feel naked)

Pour se faire entendre, les opposants ont multiplié les actions. Déjà très impliqué dans le débat sur la neutralité du Net, Fight for the Future (FFTF) incite par exemple les opposants au Patriot Act à poser nus sur les réseaux sociaux, derrière le mot-clé #ifeelnaked. Le collectif a aussi lancé l’opération « Black out Congress » (« bloquer le Congrès »), à laquelle se sont associés près de 15 000 sites. Le principe ? Toute connexion en provenance du Sénat ou de la Chambre des représentants vers ces sites se verra redirigée vers une page qui lance aux élus :

« Nous bloquons votre accès jusqu’à ce que vous mettiez un terme aux lois permettant la surveillance de masse. »

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