Do I Have Permission To Kiss You? Tick the Box …

<--

Es-tu d’accord pour que je t’embrasse? Coche la case…

GILLES FUMEY 13 JUIN 2015

Aux Etats-Unis, des universités édictent des codes de bonnes pratiques à l’adresse des étudiants désirant entamer une relation amoureuse ou avoir des rapports sexuels, pour enrayer la multiplication des viols et des agressions sexuelles.

Les élégantes universités américaines, modèles mondiaux qui paradent au top des classements chinois (Shanghai) et suédois (Nobel) sont-elles devenues des lieux dangereux pour les filles ? On y fait de la science, on veut y changer le monde comme à Stanford, préparer les cerveaux à imaginer des bio-nourritures, des modes de déplacement inédits, des services de télécoms impensés. Mais dans ce pays du politiquement correct qui passe par un prohibitionnisme où la majorité se shoote aux sodas, les jeunes logés à l’écart sur les campus y pratiquent l’alcoolisme festif et intempestif. Des fêtes d’un genre assez brutal qui promeut la biture express ( binge drinking ), pratique barbare de violente consommation d’alcool pour atteindre l’ivresse très vite. Celles qui y succombent se réveillent souvent violées.

Les féministes s’étonnent que ces agressions sexuelles soient banalisées dans ce qu’on appelle les « frats », espèces de sociétés plus ou moins secrètes d’étudiants et d’anciens élèves, qui généralement s’occupent de l’accueil des nouveaux. Dans Moi Charlotte Simmons, Tom Wolfe raconte le viol d’une jeune fille venue étudier et se trouvant embarquée dans un enfer dantesque de « fêtes » sur les plages de Floride à Palm Beach. Une fille sur cinq s’y ferait violer, chiffre à manier avec précaution mais suffisamment inquiétant pour alerter la police, le ministère de l’Education et Obama lui-même. Que Woodstock paraît loin…

Les féministes et la gauche se sont emparés du sujet. Dénonçant la « psychologie des mâles » et « la culture du viol » dont il faudrait garder les femmes, tout particulièrement celles fréquentant les frats soupçonnées de maquiller la réalité. Une vision qu’elles contestent tout comme certains universitaires de Cornell et Harvard dénonçant ce puritanisme et l’amalgame entre les établissements. Il est vrai qu’une géographie du binge drinking montrerait qu’ils sont touchés inégalement par le fléau. Aujourd’hui, ce sont des étudiants qui contestent les poursuites dont ils sont l’objet. En représailles, ils assignent les universités en justice, espérant récolter des millions de dollars de dommages…

Les comportements se sont dégradés à ce point toute l’année que Philippe Hanlon, président du Dartmouth College (université privée du New Hampshire) a sonné le tocsin contre « les attaques sexuelles et une culture du boire de manière dangereuse est devenue la norme, pas l’exception ». De leur côté, les psychologues accusent les parents d’avoir surprotégé leurs enfants et de leur avoir promis la liberté totale. Pour « s’éclater », les jeunes qui sortent du cocon familial à 18 ans, se jettent dans l’ivresse sans retenue. On y abuse d’eux. Le date rape (viol pendant un flirt) introduit une frontière floue entre ce qui paraissait relever du consentement et ce qui ne l’est pas.

A droite, les moralistes dénoncent le relâchement des mœurs masculines, dressant une frontière entre la vision rousseauiste d’un individu bon, lesté du poids de la religion et un être foncièrement faible qui ne parvient pas à se dominer s’il n’a pas la foi (Saint Augustin). Comment endiguer cette violence ? Sans doute pas, par une simple prévention… Laure Mandeville ( Le Figaro 16-17 mars 2015) qui a enquêté à l’université de Virginie raconte que se pratiquent des séminaires d’enseignement du « sexe par consentement » : un règlement est appliqué à la lettre pour codifier les étapes d’une relation (Es-tu d’accord ? Pour que je t’embrasse, que je pose ma main…) Apple avait même imaginé une application Good2Go pour un consentement « digital » jugé, au final, trop cru !

Les Américains croient qu’ils ont libéré la sexualité. C’est possible. Mais les relations entre hommes et femmes sont parfois comparées à un champ de mines ( minefield). Bien vu.

About this publication