Cowardly Denial

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Le déni lâche

Tout indique que la tuerie dans l’église afro-américaine était un acte terroriste, et ceux qui le nient ne font qu’aggraver le problème.

Ce n’est pas un simple débat de taxonomie. La réponse est importante, car elle permet de comprendre le crime et de savoir comment y réagir.

Pour répondre, il faut d’abord définir le terrorisme. Le dictionnaire n’est pas très utile, car il en existe plus de 100 définitions. Ce désaccord résulte à la fois d’un sincère débat intellectuel et de realpolitik. Le terme constitue en effet un formidable outil de manipulation pour ceux qui croient, comme l’infréquentable penseur allemand Carl Schmitt, que la politique consiste à distinguer entre l’ami et l’ennemi. Un exemple : dans les années 80, les États-Unis qualifiaient les moudjahidines de « combattants de la liberté ». Deux décennies plus tard, c’étaient des terroristes…

Les définitions du terrorisme partagent tout de même quelques critères consensuels : acte violent commis hors d’une zone de combat ; cible innocente et symbolique ; but de semer la peur pour influencer un groupe ou État ; et référence à une lutte idéologique organisée.

Ces conditions semblent réunies pour le tueur de Charleston. Il a conduit deux heures pour se rendre dans une église qui a combattu pour libérer les esclaves. Puis il aurait tiré sur neuf Afro-Américains pour déclencher une guerre raciale. Et il aurait laissé des survivants pour que cet objectif soit connu.

Mais s’inscrit-il dans une lutte, celle de la suprématie blanche ? Pour affirmer qu’il ne s’agit pas de terrorisme, il faut prétendre que ce mouvement n’existe plus, et qu’il s’agit donc d’un acte isolé. C’est donc parce qu’on présume que le problème a disparu qu’on réussit à nier sa plus récente manifestation.

Un autre raisonnement tout aussi tordu a été utilisé par Lindsey Graham, sénateur de la Caroline-du-Sud. « Il était un de ces jeunes dérangés. Je ne pense pas que [les raisons] soient plus larges que ça. »

Parce que l’acte est insensé, on présume qu’il ne peut être commis que par un fou. Comme si la haine ne pouvait pas exister hors de la folie.

Chez nous, c’est plutôt une certaine gauche qui s’empressait l’année dernière de diagnostiquer à distance une maladie mentale aux auteurs des attentats de Saint-Jean-sur-Richelieu et d’Ottawa, afin de nier l’influence de l’islamisme radical.

Bien sûr, la relation entre crime et maladie mentale est complexe. Les deux peuvent s’entremêler. Mais c’est un peu trop facile de détacher le tueur de son intention.

Pour combattre l’islamisme radical, Washington cherche vers qui tourner ses espions et ses canons. La réponse au terrorisme domestique d’extrême droite est moins évidente. Le déni est plus commode. C’est aussi ce qui le rend plus lâche.

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