Espionnage de l’Elysée : la NSA ou la folie américaine
On ne peut pas franchement jouer la surprise. Depuis qu’Edward Snowden a révélé, en juin 2013, l’étendue planétaire de la surveillance électronique et de la collecte de données privées opérées par les services de renseignement américains, depuis qu’on a appris que cet espionnage de masse allait jusqu’à la mise sur écoute du téléphone portable personnel de la chancelière allemande, depuis que l’on sait que la sophistication ultime était de faire espionner Airbus par les services secrets allemands pour le compte du renseignement américain, rien ne peut plus vraiment nous étonner. Tôt ou tard, nous allions avoir la confirmation que l’Elysée et les responsables français étaient aussi sur écoutes américaines. C’est chose faite, si l’on en croit les révélations de WikiLeaks, publiées, mardi 23 juin, par Libération et Mediapart.
Est-ce pour autant acceptable ? Non, bien sûr. Il faut, certes, éviter le piège de l’angélisme. Le renseignement est un élément crucial dans la lutte contre le terrorisme. La France vient elle-même d’adopter un vaste projet de loi pour le renforcer ; certaines des dispositions de ce texte ont été vivement combattues par les défenseurs des libertés publiques, pointant les empiétements possibles du renseignement sur la vie privée des Français et, plus encore, des étrangers. Dans ce combat, les services français et européens ont besoin de coopérer avec les services américains, et ils doivent pouvoir continuer à le faire, dans le strict respect du droit.
Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit, dans la folie qui s’est emparée de la NSA (National Security Agency) dans l’Amérique de l’après-11-Septembre. Ecouter les conversations privées de Mme Merkel ou de M. Hollande ne relève pas de la lutte contre le terrorisme, pas plus que l’espionnage d’Airbus ou des conseillers à l’environnement. Cela relève de l’emballement d’une machine infernale, aux moyens technologiques quasi illimités et qui se considère comme hors de contrôle juridique, politique et démocratique.
Qu’une telle machine puisse opérer au cœur d’une puissance comme les Etats-Unis est très grave. On aimerait, évidemment, savoir si ces excès sont le fait de services livrés à l’ivresse de leurs infinies capacités et placés en pilotage automatique, ou s’ils répondent à des ordres donnés au plus haut niveau.
Réparer les immenses dégâts
Dans les deux cas, cependant, ces pratiques sont inadmissibles. Les démentis très limités apportés par Washington aux révélations sur la mise sur écoutes des dirigeants français et allemands trahissent, par ce qu’ils ne disent pas, une information : le président Obama semble avoir mis fin à ces opérations courant 2013, après la fuite d’Edward Snowden. Ainsi, la Maison Blanche indique qu’elle « n’écoute pas et n’écoutera pas » M. Hollande. Elle ne dit pas qu’elle ne l’a pas écouté en 2012, ni qu’elle n’a pas écouté ses prédécesseurs.
Ce type de minauderies est pathétique. Les Etats-Unis doivent aujourd’hui reconnaître l’ampleur du problème, admettre le danger qu’il représente pour la démocratie et les libertés, et réparer les immenses dégâts que ces affaires ont causés à leurs relations avec leurs alliés. Ils doivent remettre à plat les hiérarchies qui régissent leur coopération avec les différents services de renseignement occidentaux, selon qu’ils sont anglophones, allemands ou français. Une bonne façon d’aborder cet examen serait de commencer par présenter des excuses aux pays visés, ce qui, depuis deux ans, n’a pas été fait.
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