A Healthy Judgment

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Jugement salutaire

26 juin 2015 |Guy Taillefer | États-Unis

La Cour suprême des États-Unis ayant revalidé l’« Obamacare », peut-on attendre des républicains qu’ils lâchent prise ? La victoire est celle, politique, de Barack Obama, certes, mais elle est surtout celle, sociale, des quelque sept millions d’Américains dont la couverture d’assurance maladie était menacée.

Les Américains, dans leur conception du rôle de l’État, ne sont pas très québécois, ce qui étonne quand même un peu, vu notre voisinage géographique. Ou peut-être, au fond, nous sont-ils plus proches que ne le donne à penser leur bruyante minorité ultraconservatrice.

Dans le contexte étasunien, quoi qu’il en soit, la réforme du système de santé que le président Obama a réussi à faire adopter en 2010 tient du geste révolutionnaire. Elle a ouvert la porte à une couverture universelle et mis un frein à la cupidité des compagnies d’assurances. Quelque 50 millions de citoyens (15 % de la population) étaient inassurés il y a cinq ans ; ils sont aujourd’hui 16 millions de moins. La loi a créé l’obligation de contracter une assurance et interdit aux assureurs de refuser de couvrir un client sur la base de conditions de santé préexistantes. Elle a fait en sorte que le rythme auquel augmentent les coûts des soins de santé a considérablement ralenti. Avec le résultat que la réforme, n’en déplaise aux conservateurs qui s’y opposent bec et ongles pour des raisons grossièrement partisanes et idéologiques, fait aujourd’hui largement consensus au sein de la société américaine.

Devant la Cour suprême, l’enjeu était de taille mais la cause était pointue. S’appuyant sur une ambiguïté dans le texte de loi, les plaignants contestaient la légalité d’une partie du programme fédéral de crédit d’impôt (de 272 $US en moyenne par mois) mis sur pied par Washington à la grandeur du pays pour aider les Américains moins nantis à se procurer des assurances. Que la Cour suprême donne raison aux quatre plaignants, militants conservateurs de la Virginie, et c’est tout l’édifice de la réforme qui se serait écroulé — comme 85 % des Américains qui se sont à ce jour prévalus de l’Obamacare sont admissibles à ces crédits d’impôt.

Il aurait donc été tragique que la Cour désavoue ce volet de la loi. Beaucoup, y compris M. Obama, se sont d’ailleurs demandé pourquoi le tribunal avait même accepté d’entendre cette cause, tant ils la considéraient comme mal intentionnée — et d’autant plus que la Cour suprême avait déjà confirmé, dans un premier jugement datant de 2012, la constitutionnalité de la réforme de la santé.

En définitive, la loi a été revalidée avec plus de clarté (par un vote de six juges contre trois) que ce à quoi certains s’attendaient, ce qui est parlant : le juge en chef John Robert et le juge Anthony Kennedy, considérés comme conservateurs, ont joint leur voix à leurs collègues plus progressistes. « Le Congrès a adopté l’Affordable Care Act pour améliorer le marché de l’assurance maladie, pas pour le détruire », a écrit le juge Roberts dans ses attendus. Il y a dans cette décision un signe additionnel du consensus que la Maison-Blanche aura finalement réussi à forger autour de la réforme.

Comment réagiront les républicains ? On ne peut pas sous-estimer leur capacité de nuisance. Dans l’immédiat, disaient à chaud les experts, il semble cependant qu’en approuvant le rôle que s’est donné le gouvernement fédéral dans l’application de la loi, le jugement semble durablement garantir l’intégrité d’une réforme qui, sans être une panacée, représente un progrès social évident.

Pour M. Obama, le jugement assure la continuité de l’oeuvre maîtresse de sa présidence en politique intérieure. Une continuité dont peut également se réclamer Hillary Clinton — qui tenta, faut-il le rappeler, une réforme de la santé pendant le premier mandat de son mari Bill. Elle voudra sûrement s’en servir dans sa nouvelle vie de candidate à l’élection de 2016.

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