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Barack Obama s’est rendu au Kenya et en Éthiopie alors que sa présidence commence à toucher à sa fin. Le président a-t-il tenu ses promesses à l’égard de l’Afrique ?

En juin 2009, à peine arrivé à la présidence, Barack Obama prononce au Caire un discours mémorablement rénovateur dans lequel il annonce une salutaire reconfiguration des relations des États-Unis avec le reste de la planète, et plus particulièrement avec le monde musulman. Il sera bientôt rattrapé par les réalités historiques et la montée de cette excroissance d’al-Qaïda qu’est le groupe État islamique. La Maison-Blanche décidera assez vite que ses intérêts campent du côté de l’armée égyptienne et de la « contre-révolution ».

Alors qu’apparaissaient en 2010 les premiers bourgeons du printemps arabe en Tunisie, rappelait Le Monde dans un texte publié en fin de semaine, M. Obama s’était adressé plus spécifiquement aux Africains dans un discours prononcé devant le parlement du Ghana et dans lequel il disait voir « l’Afrique comme une partie fondamentale de notre monde interconnecté… » Un monde interconnecté par la paix, le développement et la démocratie.

Ce qu’il faut pourtant bien constater, alors que le double mandat du président Obama tire lentement à sa fin, c’est qu’il n’aura finalement pas appliqué face à l’Afrique — méditerranéenne comme subsaharienne — une approche fondamentalement différente de celle de ses prédécesseurs en ce qui a trait à la défense des droits sociaux.

Au Kenya, dans le cadre d’une visite symboliquement chargée, certes, puisqu’il s’agissait du pays natal de son père, ce n’est pas sans sa classique éloquence qu’il a appelé ce pays et ses élites à s’attaquer à la corruption qui les gangrène, à élargir les libertés individuelles et démocratiques, à lutter contre la violence faite aux femmes… Il a dénoncé l’odieuse homophobie qu’affichent les autorités kenyanes, la comparant avec à-propos à la discrimination raciale dont souffrent les États-Unis. Il s’est également inquiété de la xénophobie et du harcèlement que subit la minorité musulmane d’origine somalienne… En Éthiopie, où M. Obama allait ensuite se trouver lundi et mardi, le gouvernement d’Addis-Abeba s’est fait à son tour donner des leçons de démocratie et de respect des droits de la personne.

En vérité, l’Amérique de M. Obama continue de pouvoir assez facilement s’accommoder d’alliés qui piétinent les droits sociaux et politiques au nom de la guerre contre le terrorisme et de ses intérêts commerciaux.

Le fait est que les libertés individuelles se sont fortement dégradées sous la présidence kenyane d’Uhuru Kenyatta et que la situation est pire encore dans la « démocrature » qu’est l’Éthiopie, où l’opposition politique et les médias indépendants ont été complètement muselés. Or, Addis-Abeba et, dans une moindre mesure, Nairobi fournissent à Washington sa chair à canon dans la lutte contre les islamistes shebab qui sévissent dans la Somalie voisine. Le Kenya et l’Éthiopie sont ensuite des économies dont les PIB croissent à bon rythme. À la guerre contre le terrorisme se jouxtent les impératifs d’une guerre économique contre la Chine, devenue depuis le principal partenaire commercial du continent africain.

Si bien qu’ils sont beaux, les discours, mais qu’ils finissent par agacer, vu la distance qui sépare la pratique des professions de foi.

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