Fruitful Surge of Solidarity

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Le vieux débat sur le salaire minimum s’est invité dans la campagne présidentielle qui s’amorce aux États-Unis. Vieux débat puisque, sur cet enjeu, les désespérants républicains beuglent depuis toujours leur désapprobation — depuis, en fait, l’adoption en 1938 de la toute première loi sur le salaire minimum, sous le New Deal. L’histoire démontre pourtant, ce qu’ils ne voudront jamais admettre, qu’il s’agit d’un instrument-clé de sécurité économique et de lutte contre la pauvreté.

Le mouvement actuel en faveur d’une hausse du salaire minimum est né en 2012 parmi les employés de chaînes de restauration rapide à New York, dans la foulée du coup de gueule social que fut Occupy Wall Street. Le mouvement baptisé « Fight for $15 campaign », soutenu par les grands syndicats, ou du moins ce qu’il en reste, a depuis fait tache d’huile un peu partout dans le pays chez les travailleurs du commerce au détail, dans les garderies, parmi les employés d’aéroport… Non sans un certain succès : il y a deux semaines, suivant des décisions prises à l’échelle de l’État de New York et dans les villes de Washington et Los Angeles, des milliers de petits employés, dont un grand nombre sont évidemment des femmes, ont obtenu que leur salaire allait progressivement passer à 15 $US l’heure, soit plus du double du salaire minimum fédéral de 7,25 $, qui n’a pas bougé depuis des années. Sans aller aussi loin, d’autres villes, comme Chicago, Seattle et San Francisco, ont également annoncé des augmentations du salaire minimum.

Le doublement du salaire minimum légal est spectaculaire et soulève la controverse pour ce qui concerne son impact sur les prix à la consommation et le marché de l’emploi, un clou sur lequel ne se privent pas de taper les républicains, d’autant que le débat touche la corde sensible de leur anti-étatisme. S’il est logique que la hausse du salaire minimum soit calibrée d’une région à l’autre en fonction du niveau de santé économique de chacune et s’il faut faire attention de ne pas nuire, par effet pervers, au développement des PME, terreaux de l’économie nationale, il reste que des décennies de recherches menées aux États-Unis ont montré que l’ajustement du salaire minimum était non seulement essentiel à la survie économique de dizaines de millions d’Américains, mais aussi qu’il était utile à l’économie de consommation capitaliste, ce qui devrait réjouir la droite politique, mais ce que sa cécité idéologique — et sa défense des sacro-saintes marges de profit — empêche de mesurer honnêtement.

Du reste, les républicains n’ont pas le monopole des pronostics catastrophistes. Le débat en Allemagne autour de l’instauration d’une rémunération minimale de 8,50 euros l’heure a donné lieu aux mêmes scénarios-catastrophes de la part des détracteurs de la réforme : hausse excessive des prix, fermeture de milliers de petites entreprises, disparition de centaines de milliers d’emplois… La réforme du marché du travail est entrée en vigueur au début de l’année ; le cataclysme ne s’est pas encore produit. S’il y a consensus social au Québec à ce sujet et que le gouvernement hausse le salaire minimum par petites doses, le monde des affaires se répand chaque fois en lamentations. En Alberta, où le tout nouveau gouvernement néodémocrate a annoncé que le salaire minimum passera, le 1er octobre, de 10,20 $ à 11,20 $CAN, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a prévenu que cette mesure pourrait faire perdre 183 000 emplois. Une panoplie d’études ont pourtant documenté, depuis 20 ans, le fait que ces prévisions étaient foncièrement alarmistes.

Vu la campagne présidentielle, la hausse du salaire minimum devient une pièce maîtresse de la plateforme démocrate. Barack Obama et Hillary Clinton s’en sont fait les champions. Il ne s’agit pas pour autant d’une panacée contre le creusement des inégalités.

Un papier du New York Times, publié l’année dernière, a montré à quel point le salaire minimum actuel de 7,25 $ était scandaleusement bas et a calculé qu’il faudrait le relever de près de 4 $ l’heure pour garantir un revenu qui ne soit pas sous le seuil de la pauvreté. Cette inadéquation s’inscrit dans un contexte de stagnation généralisée des salaires. Elle traduit ensuite un climat de déliquescence des droits des salariés et d’affaiblissement marqué des syndicats comme contre-pouvoir aux desiderata des élites économiques. Le démocrate Obama avait promis en 2008 de faciliter l’accès à la syndicalisation et de renforcer les droits à la négociation collective. Il n’en a rien fait.

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