Donald Trump: The Strategy of a Permanent Publicity Stunt

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Donald Trump, ou la stratégie du coup d’éclat permanent

Ce qui a commencé comme une farce va-t-il finir par bouleverser le camp du Parti républicain américain à quelques mois de l’élection présidentielle de 2016 ? Il y a quelque temps encore, la candidature de Donald Trump était jugée improbable, en raison de la transparence sur sa fortune que la commission chargée des élections au niveau fédéral lui aurait demandée. Lorsque le magnat de l’immobilier est passé à l’acte, le 16 juin, son entrée en campagne annoncée à la Trump Tower, à New York – la douzième candidature d’une compétition républicaine qui ne fut jamais aussi ouverte – a été réduite à la dernière manifestation d’un ego démesuré.

Les paroles prononcées à cette occasion n’ont guère retenu l’attention. Mépris vis-à-vis de responsables politiques traditionnels, marionnettes, selon lui, de lobbies et de donateurs, vision d’un monde simplifié à l’extrême et dans laquelle les Etats-Unis seraient devenus les perdants de la mondialisation : ce discours virulent et décousu est apparu comme le prélude à une campagne aussi tonitruante que brève.

L’inflexion de la popularité de l’homme d’affaires, début juillet, a été ensuite comparée aux feux de paille d’autres outsiders par le passé. Ses rivaux ont cru que l’essence des controverses répandue généreusement par Donald Trump (sa mise en cause du passé militaire du sénateur John McCain, sa vision de l’immigration mexicaine composée de trafiquants et de violeurs) allait finir par le consumer.

Au lieu de rentrer dans le rang, l’homme d’affaires a au contraire posé de nouveaux jalons lors du premier débat organisé entre candidats républicains, le 6 août : refus de faire allégeance aux règles (se présenter à l’investiture républicaine interdit de manière implicite une candidature comme indépendant si le sort des urnes est défavorable) ; refus de considérer l’un des acteurs centraux d’une campagne, les médias, comme un arbitre intouchable (comme l’a montré son algarade avec la journaliste Megyn Kelly) ; et refus de considérer comme des égaux ses rivaux, se moquant de leur prétendue servilité vis-à-vis de leurs financiers.

Positionnement transgressif

Il n’a pas fallu attendre quinze jours pour que Donald Trump porte un nouveau coup. Pour ce faire, il a choisi le dossier sensible de l’immigration, qui a provoqué par le passé des fractures entre républicains. Les pragmatiques font le constat de l’impossibilité de renvoyer environ 11 millions d’illégaux, alors que les intransigeants campent sur le refus des régularisations temporaires proposées par le président Barack Obama, sans aller pour autant jusqu’à exiger des vagues d’expulsion massives. Accusé par ses adversaires républicains d’être dépourvu du moindre programme, M. Trump a répliqué en adoptant une position maximaliste contre l’immigration, en proposant notamment l’expulsion de millions de sans-papiers et la construction d’un mur le long de toute la frontière sud du pays. Il a ainsi étouffé les voix les plus déterminées et placé ses rivaux devant un choix délicat : s’aligner ou apparaître comme laxistes.

La résistance de l’homme d’affaires aux prédictions d’effondrement a conduit à un examen plus approfondi de sa popularité. Elle a tout d’abord été analysée comme le produit de son savoir-faire vis-à-vis des médias, rodé par des décennies de promotion personnelle et la maîtrise des codes de la télé-réalité, qu’il a longuement pratiquée. Omniprésent depuis plus de deux mois, Donald Trump obtient les meilleurs scores en termes d’intentions de vote dans pratiquement dans toutes les familles idéologiques du Grand Old Party. C’est paradoxal, car c’est son positionnement transgressif qui est pour l’instant son principal moteur. Il lui permet de se distinguer de candidats classiques (cinq sénateurs et anciens sénateurs, neuf gouverneurs et anciens gouverneurs), et d’attirer les déçus de la politique.

Une campagne transformée en un show

L’énorme succès du premier débat républicain (une audience de 24 millions de téléspectateurs record pour une chaîne du câble, hors événements sportifs) traduit également l’intérêt insufflé par M. Trump à cette campagne transformée en un show permanent dont il est la vedette. Cette force comporte aussi ses faiblesses : la sympathie ou l’empathie vis-à-vis d’un style iconoclaste n’est pas la garantie qu’un public situé plus à la périphérie de la politique participe massivement aux caucus et primaires à venir. En dépit de ses assurances, le milliardaire n’a pas encore mis en place dans les Etats-clés une « machine à voter » comparable à celle de ses rivaux. Par ailleurs, cliver n’est pas sans prix : une majorité d’électeurs républicains continue de considérer que M. Trump n’est pas un candidat sérieux pour 2016.

Les effets de sa candidature sont pourtant déjà considérables. Le premier concerne le camp républicain : en le déportant vers la ligne la plus dure sur l’immigration, M. Trump risque de radicaliser un électorat latino crucial pour la reconquête de la Maison Blanche.

Le second, inattendu, est plus fondamental. En assurant que sa fortune était l’assurance de sa liberté politique, M. Trump a porté involontairement le coup le plus dur contre la dérive censitaire de la démocratie américaine, amorcée par la Cour suprême en 2010 avec la suppression des plafonds de financement politique. Cela n’a pas échappé à l’un des adversaires les plus acharnés de l’arrêt Citizens United v. Federal Elections Committee : l’universitaire Lawrence Lessig. Après avoir envisagé une candidature de témoignage à l’investiture démocrate, celui-ci se dit prêt à soutenir M. Trump s’il devenait candidat indépendant.

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