La campagne pour l’élection présidentielle aurait pu prendre un tour policé. Hillary Clinton chez les démocrates, Jeb Bush chez les républicains : deux noms bien connus, des positions consensuelles au sein de leurs partis. Mais ce sont les outsiders qui mènent le train.
Donald Trump, au début considéré comme un divertissement, est maintenant pris très au sérieux. Sa popularité, il la doit à son mono-thème xénophobe de campagne — l’immigration —, captant la peur de l’homme blanc de voir son pays se transformer. Il la doit aussi à son style : l’outrage, la confrontation, le sarcasme, qui lui permettent de monopoliser les médias, façon cow-boy sans foi ni loi.
Dernière provocation en date : mardi, il a fait évacuer manu militari un journaliste de sa conférence de presse. Pas n’importe lequel : il s’agit du présentateur latino Jorge Ramos, l’une des figures de la puissante chaîne hispanique Univision, avec laquelle Trump est par ailleurs en procès. Ce n’est pas la première fois qu’il tacle un journaliste, ayant affirmé d’une présentatrice de CNN qu’il jugeait agressive : « On pouvait voir du sang sortir de ses yeux, du sang sortir de son… où que ce soit ».
Une rébellion
Avec 30 % d’intention de votes pour Trump à la primaire républicaine, selon le dernier sondage Reuters, les électeurs républicains semblent se tourner vers les extrêmes. Comme en 2010, lors du surgissement du Tea Party ? « L’attrait pour Trump s’étend bien au-delà de celui du Tea Party. C’est une rébellion, oui, mais elle a un goût légèrement différent de celle de 2010 », affirme le Washington Post, qui a mené une étude comparative sur les deux électorats. Ainsi, les partisans de Trump sont moins conservateurs sur les valeurs que ceux du Tea Party, ils sont plus jeunes, gagnent moins d’argent et ont moins de diplômes. Ils sont surtout moins religieux et ne tiennent pas rigueur au candidat d’avoir opportunément fait volte-face sur l’avortement, en rejoignant, après avoir défendu ce droit, les pro-vie.
Une radicalisation est aussi, dans une moindre mesure, sensible à gauche : Bernie Sanders capte, à sa manière, le mécontentement vis à vis de la classe politique. Mais quand Trump joue la carte du déclin de l’Amérique et moque la « stupidité » des élus, Sanders axe son discours sur la dénonciation des inégalités, le pouvoir de Wall Street et la soumission de Washington aux lobbies. Sa popularité est croissante, mais sa base électorale — blanche, éduquée, bien à gauche — reste étroite.
Une bouée de secours ?
Si les difficultés d’Hillary Clinton, qui reste favorite pour l’investiture démocrate, se transforment en descente aux enfers, le parti cherchera une bouée de secours. Joe Biden ? L’actuel vice-président âgé de 72 ans, déjà deux fois candidat malheureux aux primaires en 1998 et 2008, est une figure populaire. Et il laisse planer le doute sur une éventuelle candidature, affirmant qu’il prendra sa décision courant septembre — forcément avant le premier débat entre démocrates, prévu le 13 octobre. Il a pour lui l’image, selon les sondages, d’un homme « digne de confiance » et « honnête », qui a su rester hors des scandales, malgré des décennies en politique. Mais sa propension à faire des gaffes constitue un handicap certain.
Biden, qui reste sous le choc du décès de son fils Beau, mort d’un cancer en mai à 46 ans, a rencontré en privé le week-end dernier, la sénatrice démocrate Elizabeth Warren, dont les sorties sévères contre les excès de Wall Street plaisent à l’aile gauche du parti. Depuis, la presse spécule de plus en plus sur un éventuel ticket Biden-Warren. De quoi embarrasser Obama et son entourage, qui avaient tout misé sur Clinton, mais qui sauront sans doute réviser leur soutien si la favorite décroche.
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