A Country Intoxicated by Its Guns

<--

(Québec) Un double meurtre commis au moyen d’un pistolet aux États-Unis n’est plus, aujourd’hui, qu’un fait divers. Les balles tuent plus de 30000 personnes par année dans le pays, incluant les suicides, alors deux victimes de plus ou de moins…

Mais des millions de personnes ont été témoins de ce meurtre-là, parce qu’il s’est déroulé en direct à la télé, et parce que le meurtrier s’est filmé lui-même, pour ensuite mettre en ligne son macabre selfie. Internet a fait le reste.

Le caractère médiatique du drame fait qu’on en parle, et cet élément de nouveauté pourrait être une occasion, pour la société américaine, de faire un examen de conscience. On pourrait profiter du caractère inhabituel d’un événement pour polariser l’attention sur un problème qui fait autant de mal.

Mais l’opinion publique, aux États-Unis, s’est immunisée contre l’horreur. Même après le massacre de 20 enfants et de 6 enseignants, en décembre 2012 à Newtown, le pays a été incapable de se libérer de l’emprise que le lobby des armes à feu exerce sur les institutions, sur l’État et sur les élus.

Deux ans après l’attaque de Newtown, un sondage démontrait que la proportion des répondants opposés à des contrôles plus sévères avait augmenté, au lieu de diminuer. La société américaine a bien plus peur de perdre ses armes que de voir mourir ses enfants.

Ce n’est pas un combat pour la liberté. Le fumeur qui réclame ses cigarettes, sous l’emprise d’une dépendance à la nicotine, n’exerce pas une liberté de choix. Il obéit à un maître.

Le problème des armes à feu aux États-Unis a tous les traits d’une dépendance. Des «pushers» exploitent des accros, incapables de surmonter leur déni, de s’ouvrir les yeux.

Voilà quelques mois à peine, sept associations professionnelles médicales, conjointement avec l’Association du Barreau des États-Unis, ont publié un manifeste où ils déclarent que la problématique des armes à feu constitue un problème de santé publique, et qu’il doit être traité comme tel.

Ce qu’on a fait pour le tabagisme, pour l’alcool au volant, pour le port de la ceinture de sécurité, on devrait aussi pouvoir le faire pour le contrôle des armes à feu, disent-ils. Ils proposent une série de mesures, mais elles n’auront probablement pas de suite. Parce que ce pays a un revolver sur la tempe.

Voilà à peine un mois, le 29 juillet, une cour de la Floride a reconnu la validité d’une loi qui interdit à un médecin d’interroger ses patients sur ses armes à feu. Vous avez bien lu. Le médecin qui veut s’assurer que les armes d’un patient ne présentent aucun danger pour lui ou pour autrui n’a pas le droit d’amorcer cette discussion en Floride. Il commet un délit.

Le CDC (Center for Disease Control and Prevention) a déjà réalisé des études, jusqu’au milieu des années 90, sur la violence armée. Les interventions de la National Rifle Association auprès des élus du Congrès y ont mis un terme. Depuis, le CDC n’ose plus s’aventurer sur ce terrain.

Dans un éditorial publié en 2013, à la suite de l’attentat de Newtown, la revue Annals of Internal Medicine affirmait que les experts en sécurité publique refusaient d’aborder ce sujet parce qu’ils craignaient de perdre le financement public pour leurs recherches.

Après Newtown, le président Obama a lui-même donné un ordre présidentiel pour mettre fin à cette censure. Il y a consacré une enveloppe de plusieurs millions de dollars, mais il s’est heurté au refus du Congrès, qui plie devant un lobby incrusté dans toutes les sphères de la société.

Cene sont pas les armes qui sont responsables de ce gâchis.

C’est la lâcheté.

About this publication