Il y a trois mois, la question ne faisait guère débat aux Etats-Unis. La croissance américaine était repartie, le taux de chômage était au plus bas (5,1 % de la population active), les indicateurs éonomiques étaient dans le vert… Toutes les conditions semblaient réunies pour que le comité de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed, banque centrale) relève ses taux directeurs, aujourd’hui proches de zéro. Et ce, dès sa réunion du 16 et 17 septembre, pariaient les économistes.
Aujourd’hui, ils ne sont plus sûrs de rien. Depuis quelques semaines, des voix s’élèvent même pour tenter de convaincre la Fed d’attendre avant d’agir, notamment celle de Larry Summers, l’ex-conseiller économique de Barack Obama.
Son argument ? L’inflation aux Etats-Unis est toujours trop éloignée de la cible des 2 % établie par la Fed. Et cela, parce qu’il n’y a pas de véritable reprise des salaires, signe que le marché du travail ne va pas si bien. De plus, une remontée du loyer de l’argent entraînerait d’énormes pertes chez les fonds de pension – ces derniers détiennent beaucoup d’obligations publiques américaines, or la valeur de celles-ci évolue de façon inverse aux taux. Il est donc urgent d’attendre.
Gare à la volatilité
Pourtant, l’affaire n’est pas sans risque. Maintenir des taux bas trop longtemps, ainsi que des mesures monétaires non conventionnelles telles que les achats de dettes publiques, risque de créer des bulles et surtout, une volatilité destructrice, en particulier sur les marchés boursiers ou sur l’immobilier. Et ce n’est pas vrai seulement aux Etats-Unis. La reprise britannique repose ainsi trop sur la hausse des prix des logements, préviennent nombre d’experts. Il y a là le ferment des crises futures. Pour éviter le pire, les banques centrales ont donc intérêt à normaliser leurs politiques au plus vite.
Que d’injonctions contradictoires pour les grands argentiers de la planète ! Le monde est devenu accro aux mesures non conventionnelles et aux taux bas. Mais comme toutes les drogues, ces derniers peuvent avoir des effets secondaires ravageurs.
Pire, les atermoiements des banques centrales révèlent deux phénomènes inquiétants. Le premier est que leur action a échoué à relancer la croissance et l’inflation autant qu’espéré. Les taux bas, expliquent nombre d’économistes, comme Michel Aglietta au Centre d’études prospectives et d’informations internationales, ne suffisent pas à relancer l’investissement des entreprises, qui se fient plutôt à leurs carnets de commandes pour choisir de s’endetter ou non.
De même, la hausse des Bourses, alimentées par les banques centrales, profite surtout aux ménages les plus riches, dont le patrimoine est en partie investi en actions. Ce qui contribue à la hausse des inégalités. Et ce, sans véritable effet sur la croissance, car les ménages aisés épargnent plus qu’ils ne consomment.
La conclusion à en tirer est que les politiques monétaires ne peuvent pas tout. Sans mesures structurelles des Etats pour favoriser l’investissement et limiter la hausse des inégalités, elles peuvent même se révéler contre-productives. Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, le répète d’ailleurs à chaque conférence de presse. Mais il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre…
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.