Déprimante superficialité
Se tenait mercredi soir à la Ronald Reagan Presidential Library le deuxième débat entre les candidats à l’investiture républicaine pour la présidentielle de novembre 2016. Débat dont ce bouffon milliardaire et dangereux qu’est Donald Trump aura à nouveau été le centre d’attraction. Comme prévu, un spectacle d’une déprimante superficialité. Pourvu que, le jour du scrutin, cette vacuité mobilise l’électorat démocrate.
Que son étoile finisse par se diluer, l’automne venu, dans les marais de l’ignorance comme il se devrait, M. Trump n’en a pas moins déjà marqué les annales de la politique électorale américaine comme l’un de ses phénomènes les plus grossiers. Qu’il continue de caracoler en tête des sondages pour finir par arracher l’investiture républicaine, et ce serait une abomination. Encore que : du président-acteur Ronald Reagan à cet homme d’affaires et grande gueule de la téléréalité, quelle différence fondamentale ? Il fallait voir avec quelle détermination le réseau CNN s’employait mercredi à formater le débat, retransmis depuis un amphithéâtre situé près de Los Angeles, comme une émission de variétés. M. Trump incarne pour une large part l’idéal d’un monde médiatique qui n’en a que pour les points de vue qui se résument à un extrait sonore de dix secondes.
En fait, plus que l’homme lui-même, c’est sa popularité auprès de l’électorat républicain qui dérange. Le niveau de la conversation électorale est-il jamais tombé aussi bas aux États-Unis ? Vrai que c’est une popularité qui témoigne de la désillusion générale des Américains, à droite comme à gauche, à l’égard de la classe politique et, en particulier, de l’inimitié viscérale de beaucoup d’électeurs républicains pour le pouvoir central et l’institution présidentielle. Ces réactions ne sont pas nouvelles, ni du reste totalement infondées. Elles ne sont pas non plus typiquement américaines.
Mais elles prennent avec M. Trump, en l’occurrence, des proportions particulièrement inquiétantes. Il dit n’importe quoi, mais le fait avec une arrogance et un aplomb populiste que certains confondent de toute évidence avec de la compétence. Il conforte l’électorat dans son analphabétisme politique. Il se présente en croisé anti-Washington et anti-establishment, alors qu’il incarne au fond, comme tous les autres candidats — mais en plus caricatural, ce qui le rend apparemment plus crédible — le mariage habituel de l’argent et de la politique. Ce qui ne veut pas dire, en passant, que nous, électeurs canadiens et québécois, soyons tellement plus avisés.
Cela dit, M. Trump a reçu en Californie un accueil clairement moins enthousiaste que le 6 août dernier à Cleveland, lors du premier débat des candidats républicains. Son étoile commencera peut-être, en effet, à pâlir. Reste que le simple fait que le Parti républicain accueille cet amuseur public en dit long sur ce qu’il est et sur ce qu’il devient. Un parti où même les voix vaguement plus modérées ont de plus en plus de mal à se faire entendre.
On est encore loin du 8 novembre 2016. Si tout peut arriver, il demeure que des deux machines électorales, celle des républicains est de loin la plus efficace — et la plus sournoise. Espérons, dans ce contexte, que M. Trump sera un épouvantail utile au Parti démocrate en incitant les électeurs de ce dernier à faire un effort supplémentaire pour aller voter — même si c’est pour Hillary Clinton.
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