Comme c’est le cas avec tout régime essentiellement monopolistique, le studio system a fini par s’écrouler sous son propre poids. À la fin des années 1950, et au début des années 1960, l’avènement de la télévision combiné à une série de flops gargantuesques (Cleopatra, Doctor Dolittle) a fait plier les majors. Les studios ont ensuite misé sur des productions plus intimes menées par de jeunes réalisateurs obsédés par le cinéma d’auteur européen – quoique le règne de ces derniers n’a pas duré très longtemps, une dizaine d’années tout au plus…
La période précédant la révolution du Nouvel Hollywood est communément dénommée «époque des films à sandales», une référence aux productions outrageusement dispendieuses, se déroulant généralement dans la Rome antique, destinées à en mettre plein la vue aux spectateurs qui boudaient de plus en plus les salles sombres au profit du confort de leur salon. Il est intéressant de noter que la fascination des vieux nababs d’Hollywood pour l’Empire romain était probablement un symptôme du présage de leur propre chute épique.
Une ironie que Joel et Ethan Coen ont assurément relevée, eux qui se délectent dans l’épluchage narquois des folies de grandeur. Et leur nouveau long métrage semble justement carburer sur ce sentiment : un divertissement à grande échelle porté par une intrigue complètement folle.
Dans Hail, Caesar!, nous sommes transportés dans les coulisses d’un péplum intitulé… Hail, Caesar!. Mais le tournage est miné par plusieurs problèmes, dont l’enlèvement de la vedette du film, qu’incarne un George Clooney en mode screwball – une tradition entre lui et les frangins, qui ont dévoilé cette facette exubérante de son jeu dès O Brother, Where Art Thou?, et qu’il a réitérée dans Intolerable Cruelty et Burn After Reading.
La simple lecture du casting suffit à donner le vertige. Scarlett Johansson, que les Coen ont dirigée il y a une quinzaine d’années dans The Man Who Wasn’t There, interprète une actrice qui tombe enceinte au mauvais moment. Josh Brolin (No Country for Old Men) joue ce qui semble être le narrateur, un fixer, employé par le studio pour régler les problèmes, et garder les scandales hors de la portée des médias.
On retrouve également Channing Tatum (un Magic Mike en version Gene Kelly), Ralph Fiennes (un réalisateur), Christophe Lambert (idem), Frances McDormand (une monteuse), Jonah Hill (un comptable), Tilda Swinton (une journaliste à potins) et… Dolph Lundgren, dans le rôle d’un «commandant de sous-marin soviétique».
Malgré le ton pétillant et les images colorées de la b-a, Hail, Caesar! ne serait pas une légère comédie musicale. Du moins d’après le fidèle compositeur des frères Coen, Carter Burwell, qui a affirmé en avril dernier : «Il y a des films dans le film, et ceux-là contiennent de la musique comique, mais le film en tant que tel n’est pas comique. Au contraire, il est assez grave, et il porte sur la foi.»
Il serait cependant surprenant que Hail, Caesar! soit aussi sombre que leur autre film traitant de l’industrie du cinéma, Barton Fink, l’histoire d’un dramaturge prisé à New York qui se voit contraint à écrire un film de lutte à Hollywood. Une situation peu enviable qui se corse encore plus lorsque le diable se mêle de la partie… À noter que Barton est employé par le studio fictif Capitol Pictures, dont on peut apercevoir le logo à 1:19 de la b-a de Hail, Caesar!.
Rappelons par ailleurs que le lauréat de la Palme d’or en 1991 fut la première collaboration entre les Coen et le directeur photo Roger Deakins. Les trois hommes ont été inséparables pendant le quart de siècle qui a suivi, à l’exception d’Inside Llewyn Davis. Voici un bref hommage à l’une des relations artistiques les plus admirables du cinéma contemporain :
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