Donald Trump, Where He Is Least Expected

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Donald Trump, là où on ne l’attend pas

Personnage hybride entre Marine Le Pen et Bernard Tapie, le candidat à l’élection présidentielle américaine reste en tête des sondages dans le camp républicain.

Imaginons que par un tour de passe-passe de la biologie synthétique on parvienne à hybrider Marine Le Pen et Bernard Tapie. Et que, par un tour de passe-passe du génie génétique ou de la réalité augmentée, on booste un bon coup leurs traits de caractère les plus saillants. On approcherait peut-être d’un être fait de chair, d’os et de neurones : Donald Trump. Un personnage impensable dans notre douce France, et dont aucun commentateur américain, jusqu’à tout récemment, ne pensait qu’il pourrait devenir un candidat sérieux à la présidentielle de 2016. Or, l’animal reste obstinément en tête des sondages dans le camp des républicains, loin devant Jeb Bush.

Les points communs avec la stratégie de Marine Le Pen sont flagrants. L’un et l’autre surfent sur la désaffection, voire la fureur populaire à l’égard des politiciens traditionnels et la haute administration, sur l’angoisse devant le déclin national et celui de la race blanche, sur la désignation des mêmes boucs émissaires : les immigrés, les pays étrangers qui volent nos emplois, l’idéologie du libéralisme économique, la kleptocratie des nantis qui noyautent les rouages du pouvoir, les chantres du politiquement correct qui ont abandonné les références aux valeurs morales chrétiennes.

Donald Trump pousse le bouchon encore plus loin que Marine Le Pen. Le Mexique nous inonde de ses criminels et de ses violeurs, il faut construire un mur étanche entre les deux pays, financé par les Mexicains. Il faut expulser les quelque 11 millions de clandestins présents sur le sol américain et refuser la nationalité à leurs enfants (un droit garanti depuis 1868). Il faut interdire aux entreprises de délocaliser les emplois à l’étranger et imposer des droits de douane de 25 % sur tous les produits chinois. Conformément au vade-mecum du parfait démagogue, Trump annonce aussi son intention de limiter à 15 % la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu et de supprimer les passe-droits fiscaux dont bénéficient les financiers qui s’en mettent plein les poches.

Comme Marine Le Pen, Donald Trump se défend d’être raciste, mais en 1989, quand cinq adolescents noirs et latinos ont été arrêtés pour le viol d’une Blanche dans Central Park, il a payé des pleines pages de publicité dans les journaux new-yorkais pour réclamer leur exécution (ils ont été innocentés).

Comme Tapie, Trump est un homme d’affaires qui a réussi (même s’il a, comme Tapie, beaucoup échoué), et c’est un bretteur, une bête des médias, avec un franc-parler aussi vulgaire qu’efficace. Mais dans le genre, il est un cran au-dessus. Sa fortune se situe quelque part entre 3 et 4 milliards de dollars. C’est un escroc notoire. Et un spécialiste des shows télévisés. Il a gagné 200 millions de dollars en jouant son propre rôle 14 saisons d’affilée dans une émission de télé-réalité. Lors du premier débat télévisé entre candidats républicains, en août, il a fait exploser les compteurs, sans se gêner pour injurier la modératrice.

C’est une autre raison de sa popularité, y compris auprès des femmes. Il donne le sentiment de dire ce qu’il pense, quand il en a envie, même s’il a conscience de choquer. Lors de ce débat, accusé d’avoir donné de l’argent à Hillary Clinton, il a répondu : «Je donne à tout le monde. Quand ils appellent, je donne. Et savez-vous quoi ? Quand je veux quelque chose d’eux, deux ou trois ans après, je les appelle, et ils répondent présents.» Mais là perce une dimension qui est rarement soulignée. Donald Trump est un homme très intelligent, qui n’hésite pas aussi à prendre des positions aux antipodes de ce qu’on attendrait de lui. Il s’était opposé à l’intervention militaire en Irak. Il a défendu les programmes de contraception. Déclaré que Bill Clinton a été le meilleur des quatre derniers présidents. Que l’économie marche mieux quand les démocrates sont au pouvoir. Il prétend vouer aux gémonies l’«Obamacare», mais en 2000, il avait défendu dans un livre l’idée d’un système de protection de santé universel avec tiers payant.

Il tisse sa toile en artiste. Dans un autre livre publié en 1987, il écrit : «Je joue avec les fantasmes des gens. J’appelle ça l’hyperbole véridique. C’est une forme innocente d’exagération – et une technique de promotion très efficace.» Ne sous-estimons pas Donald Trump.

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