Climat : Washington affole Paris sur le contenu contraignant du futur accord
Patatras ! La « pré-Cop 21 », qui a réuni à Paris quelque 70 ministres du monde entier , vient à peine de se conclure sur une note plutôt encourageante qu’un couac retentissant se fait déjà entendre. Celui qu’a émis mercredi John Kerry, le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères. L’accord dont doit accoucher la COP 21, la conférence de l’Onu sur le réchauffement climatique, qui se tiendra dans la capitale française du 30 novembre au 11 décembre prochain, « ne sera certainement pas un traité », a t-il déclaré dans les colonnes du « Financial Times ». Et le chef de la diplomatie de la Maison Blanche de préciser qu’« il n’y aura pas d’objectifs de réduction juridiquement contraignants comme à Kyoto ».
Brutal retour de manivelle
D’aucun peuvent y voir un brutal retour de manivelle dans le déroulé historique des négociations climatiques. Le protocole de Kyoto, conclu en 1997 et dont l’accord de Paris doit prendre le relais à partir de 2020, avait en effet imparti des objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’ensemble des pays riches. La quasi totalité d’entre eux, Union Européenne en tête, y avaient souscrit en ratifiant ce document. A l’exception notable des Etats-Unis,qui s’étaient limités à le signer. A l’époque, l’administration Clinton n’avait, il est vrai, aucune chance d’obtenir son adoption par le Congrès, passé dans le camp républicain, réputé hostile à tout traité contraignant sur le climat. Une position justifiée à l’époque par le fait qu’aucun objectif de réduction ne s’imposait à la Chine.
Même cause, mêmes effets ? L’administration Obama, elle aussi, n’a pas les coudées franches au Congrès. Et la donne a beau avoir changé du côté de la Chine, qui s’est enfin fixé un objectif sur les GES , celui, très perfectible, d’atteindre en 2030 un pic d’émission, le camp démocrate ne tient pas davantage à essuyer un tir de barrage au Capitole, surtout à un peu moins d’un an de l’élection présidentielle américaine.
L’Inde pose problème
Cette fois, c’est l’Inde, dont le niveau d’engagement sur ses émissions de GES est jugé trop faible par les Etats-Unis notamment, qui pourrait servir au déclenchement des hostilités avec le Congrès. La Maison Blanche y tient d’autant moins qu’elle n’est toujours pas parvenue à verser les 3 milliards de dollars promis au Fond Vert pour le Climat . Pur produit des COP, ce fonds est destiné à aider les pays pauvres à faire face en urgence aux impacts du changement climatique.
Paris pantois
Au vu de tous ces éléments, la prise de position de John Kerry n’a donc au final rien de très surprenant. Elle n’en pas moins laissé pantois Paris. « Cette formulation aurait pu être plus heureuse », a commenté Laurent Fabius, au premier rang soucieux de voir respecté sur le fonds ce qui, selon lui, est prévu de faire figurer. « On peut discuter de la forme juridique de l’accord (…) en revanche, il est clair qu’il devra comprendre des dispositions juridiquement contraignantes, comme l’a prévu le mandat de la conférence climatique de Durban » de 2011, a prévenu, jeudi le ministre des Affaires Etrangères et futur président de la COP 21.
L’accord espéré à Paris sera « contraignant ou il n’y aura pas d’accord », a pour sa part insisté François Hollande depuis Malte où il se trouvait pour le sommet Europe-Afrique. En même temps, le chef de l’Etat française a déclaré tenir pour « tout à fait légitime » le fait que les Etats-Unis « aient des problèmes avec leur Congrès ». L’essentiel pour lui est que l’accord attendu du garantisse bien que les engagements pris seront tenus et respectés, via notamment un mécanisme de revue périodique.
Les déclarations émises de part et d’autres de l’Atlantique reviennent peut-être à faire beaucoup de bruit pour finalement peu d’effets. Washington ne serait pas opposé au fait d’avoir à répondre à certaines contraintes sur les émissions des GES. Mais il l’entend uniquement par voie réglementaire et non sur la base des objectifs contenus dans les contributions nationales que près de 160 pays viennent de rendre à l’ONU. Cette option serait toujours sur la table. « En fait, ce que nous soutenons est un accord en partie juridiquement contraignant », a expliquait cette semaine un haut responsable américain.
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