The Bill of Fear

<--

Des magasins vides, des concerts annulés, des hôtels désertés. L’onde de choc économique déclenchée par les carnages du 13 novembre commence à peine à se former. Pour l’instant, les économistes ne savent pas bien comment l’intégrer dans leurs scénarios. « Notre prévision reste pour l’instant inchangée… » Les exemples du passé, sur lesquels ils bâtissent leurs schémas, délivrent un message ambigu. Un acte terroriste à la fois très meurtrier et très visible a un effet majeur sur le secteur concerné. Après le 11 septembre 2001, le nombre de passagers a chuté de 10 % sur les lignes intérieures des Etats-Unis et bien davantage sur les vols internationaux des compagnies américaines. Les attentats de Bombay en 2008, qui firent près de 200 victimes, ont pesé sur le tourisme en Inde. Dans l’une de ses dernières recherches publiées avant son décès en 2014, le prix Nobel d’économie Gary Becker avait calculé que l’explosion dans un bus en Israël fait chuter le nombre de voyageurs de 30 % dans les jours qui suivent. L’activité dans certains secteurs peut donc être sérieusement impactée par un acte terroriste, pendant des jours, voire des années.

Mais, à l’échelon macroéconomique, cet impact se discerne à peine. Maints économistes avaient soutenu fin 2001 que les attentats du 11 septembre allaient précipiter l’Amérique dans la récession… alors qu’elle était en fait en train d’en sortir, et les événements dramatiques semblent avoir peu influé sur sa trajectoire. La donne change totalement quand les attentats se répètent à intervalles rapprochés. Il faut alors payer la facture de la peur. Des travaux portant sur le Pays basque , soumis à d’incessants actes terroristes pendant trente ans (plus de 800 victimes), estiment la perte de revenu par tête à 10 %. Les attentats multiples en Egypte et en Tunisie ont à l’évidence amputé le potentiel de croissance de ces deux pays. Mais, là encore, ces résultats ne peuvent pas être extrapolés à la France. D’abord, parce que rien ne dit pour l’instant qu’elle va être soumise à une série d’attentats aussi effroyables que ceux subis par les Basques ou les Tunisiens. Ensuite, parce que, comme le montrent les travaux de Becker, les activités occasionnelles sont les plus impactées par les actes terroristes (et le tourisme est par excellence une activité occasionnelle). Les habitués du bistrot continuent d’aller au comptoir après des attentats terroristes comme si de rien n’était. On peut discuter de savoir si la France est en guerre militairement ou politiquement. Mais, économiquement, ce n’est pas le cas. Sa production ne peut pas dévisser de plus de 10 % par an, comme lors de la dernière guerre. En revanche, les attentats risquent de renforcer la grande tendance du moment : l’attentisme.

About this publication