The Fundamentals of International Terrorism: We Must Treat the Causes

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LES FONDEMENTS DU TERRORISME INTERNATIONAL

Il faut Soigner les causes

«Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie.» André Malraux

Dans la nuit du 13 au 14 novembre, Paris a connu plusieurs attentats terroristes aveugles qui ont fauché des dizaines de vies et blessé plus de trois cent personnes. Au-delà de l’horreur à laquelle la conscience humaine ne peut s’habituer – en Algérie nous avons connu cela pendant la décennie noire- iI y a lieu de s’interroger pourquoi ces meurtres de masse? Pourquoi des jeunes? Pourquoi plus généralement des dizaines de jeunes de par le monde sont fauchés? Rappelons qu’en l’espace d’à peine un mois, le deuil, la souffrance et les larmes ont touché la Turquie, le Liban, la Russie et maintenant la France. Un coupable: Daesh.

Pour le journal Le Monde diplomatique: «Les auteurs de ces attentats, souvent des jeunes Français musulmans, ont motivé leur acte en invoquant l’intervention militaire de leur pays en Syrie contre l’Organisation de l’Etat islamique (OEI). Et, dorénavant, le gouvernement français comme l’opposition de droite s’accordent sur la nécessité de multiplier les «frappes» en Syrie. L’urgence de mener sur le front intérieur une «guerre» implacable ne les distingue pas davantage.(…) La politique étrangère française, dont le crédit a été largement atteint par une succession d’hypocrisies et de maladresses, paraît à présent se rallier à l’idée d’une alliance aussi large que possible. Tous (Sarkozy et les autres) exigeaient il y a encore quelques mois, ou quelques semaines, le départ préalable du président syrien Bachar Al-Assad; tous y ont dorénavant renoncé. (…) Faudra-t-il alors imaginer une nouvelle intervention pour séparer (ou pour détruire) certains des ex-coalisés? L’autre question fondamentale tient à la légitimité et à l’efficacité des interventions militaires occidentales par rapport même aux buts qu’elles s’assignent. (…) Au demeurant, à moins d’imaginer que l’objectif que visent à présent les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, etc., soit simplement de s’assurer que le Proche-Orient et les monarchies obscurantistes du Golfe demeureront un marché dynamique pour leurs industries de l’armement, comment ne pas avoir à l’esprit le bilan proprement calamiteux des dernières expéditions militaires auxquelles Washington, Paris, Londres, etc. ont participé, ou que ces capitales ont appuyées?» (1)

Que faut-il faire face au terrorisme?

«Entre 1980 et 1988, lors de la guerre entre l’Iran et l’Irak, les pays du Golfe et les puissances occidentales ont largement aidé le régime de Saddam Hussein. Quinze ans plus tard, en 2003, une coalition emmenée par les Etats-Unis et le Royaume-Uni (mais sans la France) détruisait l’Irak de Saddam Hussein. Résultat: ce pays, ou ce qu’il en reste, est devenu un allié très proche… de l’Iran. Et plusieurs centaines de milliers de ses habitants ont péri, principalement des suites d’affrontements confessionnels entre sunnites et chiites. Pour que le désastre soit tout à fait complet, l’OEI contrôle une partie du territoire irakien. Même scénario en 2011 quand, outrepassant le mandat d’une résolution de l’Organisation des Nations unies, les Occidentaux ont provoqué la chute de Mouammar Kadhafi. Ils prétendaient ainsi rétablir la démocratie en Libye, comme si ce souci avait jamais déterminé la conduite de leur politique étrangère dans la région. Aujourd’hui, la Libye n’est plus un pays, mais un territoire où s’affrontent militairement deux gouvernements.(1)

Pour Alain Gresh, les bombardements occidentaux en Irak et en Syrie annoncent une campagne de longue durée contre l’Organisation de l’Etat islamique.: «La rhétorique de l’administration Obama rappelle chaque jour davantage celle du président George W. Bush. dont la politique a mené au désastre actuel. Qu’on ne s’y trompe pas. C’est à une relance de la «guerre contre le terrorisme» que l’on assiste au Proche-Orient, dans la droite ligne de la croisade déclenchée par George Bush au lendemain des attentats du 11 septembre 2001.» (2)

On oublie trop souvent que Daesh s’était fait signaler rien que pour le dernier mois par quatre attentats sanglants comme a tenu à le rappeler John Kerry à sa sortie de l’Elysée. Dans l’ordre: Ankara – plus de 100 morts- Sinaï, un avion explose; 224 morts; Beyrouth, 41 morts des centaines de blessés et enfin Paris 130 morts. Claude Jacqueline Herdhuin écrit en pointant du doigt la responsabilité non assumée de l’Occident qui s’étonne du retour de manivelle: «Je suis atterrée par ce carnage et révoltée que des innocents et des innocentes aient payé de leur vie ce que nos dirigeants ont délibérément laissé faire. Depuis le 11 septembre 2001, la guerre contre le terrorisme a fait du monde un terrain de combat. Les États-Unis ont su créer un climat de terreur, aux États-Unis d’ abord, puis à l’échelle de la planète. Bien sûr, ils allèguent agir au nom de la justice. De la démocratie. Pour le bien de tous les peuples. Pourtant, il a été démontré que le 11 septembre est un coup organisé par le gouvernement américain. (…) Avec la chute du bloc de l’Est, les États-Unis n’avaient plus personne pour les arrêter. Ils pouvaient régner en seigneur et maître. Les attentats d’hier sont le résultat de cette omnipotence (…) Tout le monde parle de la menace d’une troisième guerre mondiale. Mais nous sommes en pleine troisième guerre mondiale. Une guerre qui ébranle toute la planète et qui stigmatise des populations. Dans les années 1930, les méchants étaient les juifs, aujourd’hui, ce sont les musulmans. Nous assistons aux mêmes campagnes de diabolisation. (…) Mon coeur pleure pour les victimes et leurs familles. Il pleure aussi pour les victimes en Syrie, au Liban, au Kenya et partout dans le monde. Je refuse tout amalgame entre réfugiés, musulmans, Arabes et terroristes. J’espère que tous les coupables seront punis, tous.». (3)

Même analyse de Bruno Adrie: «Nous allons devoir être très vigilants car, dans ce genre de situation, c’est la démocratie qui va vite se trouver en danger. N’oublions pas qu’en temps de «crise», de salaires en baisse, d’emplois précarisés et de maintien, voire d’augmentation, des bénéfices des détenteurs de la production de richesse, il peut devenir nécessaire, afin de garantir un ordre social injuste, de trouver des raisons pour corseter le mécontentement et bâillonner les voix dissonantes. Ces fusillades et ces explosions, qu’on peut sans hésiter qualifier de terroristes puisqu’elles ne peuvent qu’inspirer de la terreur dans l’esprit du public, risquent d’être rapidement utilisées, quels qu’en soient les commanditaires et les exécutants, contre les libertés et contre la démocratie, au nom, précisément, des libertés et de la démocratie.

Le temps est sans doute venu de relire Fahrenheit 451.» (4)

Edwy Plenel a fait un exposé remarquable où il a situé les enjeux tout en appelant à ne pas faire d’amalgame: «Vendredi 13 novembre, toute une société fut la cible du terrorisme: notre société, notre France, faite de diversité et de pluralité, de rencontres et de mélanges. Et c’est elle qu’il me faut défendre car elle est notre plus sûre et plus durable protection. (…) Au-delà de la France, de sa politique étrangère ou de ceux qui la gouvernent, leur cible était cet idéal démocratique d’une société de liberté, parce que de droit: droit d’avoir des droits; égalité des droits, sans distinction d’origine, d’apparence, de croyance; droit de faire son chemin dans la vie sans être assigné à sa naissance ou à son appartenance. Une société d’individus, dont le «nous» est tissé d’infinis «moi» en relation les uns avec les autres. Une société de libertés individuelles et de droits collectifs.(…) C’est cette société ouverte que les terroristes veulent fermer. Leur but de guerre est qu’elle se ferme, se replie, se divise, se recroqueville, s’abaisse et s’égare, se perde en somme. C’est notre vivre ensemble qu’ils veulent transformer en guerre intestine, contre nous-mêmes. Quels que soient les contextes, époques ou latitudes, le terrorisme parie toujours sur la peur. (…) Pour mieux le combattre, pour ne pas tomber dans son piège, pour ne jamais lui donner raison, par inconscience ou par aveuglement. provoquer par la terreur un chaos encore plus grand dont il espère, en retour, un gain supplémentaire de colère, de ressentiment, d’injustice… Nous le savons, d’expérience vécue, et récente, tant la fuite en avant nord-américaine après les attentats de 2001 est à l’origine du désastre irakien d’où a surgi l’organisation dite État islamique, née des décombres d’un État détruit et des déchirures d’une société violentée. (…) Car, devant ce péril qui nous concerne tous, nous ne pouvons délaisser notre avenir et notre sécurité à ceux qui nous gouvernent. S’il leur revient de nous protéger, nous ne devons pas accepter qu’ils le fassent contre nous, malgré nous, sans nous.(5)

La politique étrangère de la France

Beaucoup d’analyses ont été faites concernant la politique étrangère de la France qui serait responsable de ces conséquences. Edwy Plenel s’interroge ensuite sur la politique étrangère: «(…) Si l’on nous dénie le droit d’interroger une politique étrangère d’alliance avec des régimes dictatoriaux ou obscurantistes (Égypte, Arabie saoudite), des aventures guerrières sans vision stratégique (notamment au Sahel), des lois sécuritaires dont l’accumulation se révèle inefficace, des discours politiques de courte vue et de faible hauteur (sur l’islam notamment, avec ce refoulé colonial de «l’assimilation»), qui divisent plus qu’ils ne rassemblent, qui alimentent les haines plus qu’ils ne rassurent, qui expriment les peurs d’en haut plus qu’ils ne mobilisent le peuple d’en bas. Faire face au terrorisme, c’est faire société, faire muraille de cela même qu’ils veulent abattre. Défendre notre France, notre France arc-en-ciel, forte de sa diversité et de sa pluralité, cette. France capable de faire cause commune dans le refus des amalgames et des boucs émissaires. (…) En Grande-Bretagne, lors des attentats de 2005, la société s’était spontanément dressée autour du slogan inventé par un jeune internaute: «We’re Not Afraid.» Non, nous n’avons pas peur. Sauf de nous-mêmes, si nous y cédions. La société que les tueurs voudraient fermer, nous en défendons l’ouverture, plus que jamais.» (5)

Interviewé par Hassina Mechaï, Pierre Conesa, ancien haut fonctionnaire du ministère de la Défense, analyse les attentats de Paris. «Depuis la présidence de Nicolas Sarkozy déclare-t-il, la France s’est totalement alignée sur la stratégie américaine. Paris a joué le fer de lance d’une espèce de défense européenne dans le monde arabo-musulman. On l’a vu avec l’affaire de la Libye, mais également avec François Hollande et ses déclarations sur la Syrie. Les islamistes de l’EI ont pu penser, que par rapport à Jacques Chirac qui avait refusé d’aller faire la guerre à l’Irak, désormais les néo-conservateurs étaient au pouvoir avec Nicolas Sarkozy et François Hollande. Forcément, cette position a fait remonter la France dans la hiérarchie des ennemis. La seconde raison est une simple question d’accessibilité. La France est un pays d’immigration. On y trouve la plus importante communauté chinoise, juive, arménienne, et musulmane de l’ensemble des pays de l’Union européenne.» (6)

«Dans cette affaire, c’est moins la question de l’Islam que celle du Salafisme qui se pose. J’ai rédigé l’année dernière mon rapport intitulé «Quelle politique de contre-radicalisation en France» dans lequel je notais la fracture entre ces gens qui prétendent parler pour l’ensemble des musulmans et une classe moyenne française de culture musulmane qui a sa place en France, qui y réussit, fournit ses élites, artistes, écrivains, ingénieurs…Cette classe moyenne se trouve confrontée à ces salafistes qui les qualifient de traîtres, d’auxiliaires de police. Cette classe moyenne s’était déjà mobilisée contre ces salafistes. D’ailleurs, au passage, ces derniers assassinent plus de musulmans que de non-musulmans.» (6)

Les amalgames entretenus par Daesh

«L’El alimente la suspicion en prétendant mobiliser l’ensemble des musulmans, ils créent de fait un amalgame qui va forcément beaucoup plaire aussi à l’extrême droite.

(…) il y a plus que jamais nécessité de discuter avec les Français musulmans pour éviter de refaire des erreurs. (…) II faut aussi un discours de la dé-victimisation, puisque les salafistes surfent précisément sur cette idée de victimisation des musulmans français (…) Il faut se rappeler qu’il y a une tradition d’interventionnisme des Occidentaux dans les pays du Moyen-Orient. Les musulmans ont pu dès lors considérer qu’il y avait une politique du double standard, les Occidentaux intervenant pour leurs intérêts, mais jamais pour défendre les Palestiniens. Sur un site salafiste, j’ai pu lire par exemple: «1000 morts à Gaza, on ne fait rien, quatre Occidentaux égorgés, on envoie l’Armée. (…) Si on leur suggérait par exemple que l’Arabie saoudite aurait pu intervenir en Irlande du Nord pour séparer les Catholiques des Protestants, ils auraient parlé de folie. Or c’est exactement ce que font les Occidentaux. (…) si on attaque l’EI parce qu’il décapite, coupe des mains, interdit les autres religions, opprime les femmes, pourquoi défendre l’Arabie saoudite, qui fait la même chose?» (6)

Pierre Conesa reconnaît que l’Occident qui, en s’immisçant dans des affaires qui ne le regarde pas, a déclaré la guerre: «(…) C’est nous qui avons déclaré la guerre. Il y avait quand même 15 Saoudiens sur 19 terroristes impliqués dans les attentats du 11 septembre et c’est pourtant l’Iran, l’Irak et la Corée du Nord qui ont été désignés comme «Axe du Mal» (…) Il faut résoudre les situations politiquement. L’Histoire le montre: le terrorisme algérien s’est arrêté avec l’Indépendance par exemple. Il faut entamer un processus politique. Chaque fois qu’on estime qu’il ne faut pas discuter avec les terroristes, on sait qu’à la fin, si on n’a pas les moyens de les exterminer, on sera acculé. Plus on s’enferme dans la logique militaire, plus on aura d’attentats. Il faut engager un processus politique. On ne peut choisir son interlocuteur.(…) Un processus politique, c’est aussi reconnaître que l’adversaire a aussi une légitimité à ce qu’il prétend.» (6)

Dominique de Villepin, ancien ministre des Affaires étrangères, en septembre 2014 sur le plateau. Ce soir ou jamais rappelait les responsabilités d’une politique américaine dans laquelle il n’y a rien à sauver depuis 15 ans, et dénonce un suivisme français contre nature. La guerre n’est pas notre vocation, notre vocation c’est la paix et la diplomatie car nous n’avons aucunement besoin d’ennemis pour exister et nous imposer. L’Elysée, Matignon et le Quai d’Orsay sont occupés par des hommes incapables de penser un monde en dehors de la Pax Americana et la nécessité aujourd’hui de nous en éloigner pour mieux retrouver au plus vite notre indépendance et notre tradition diplomatique de recherche d’équilibre.»(7)

Les Français de confession musulmane sont avant tout des Français et c’est à la République de les protéger. Leur intimer chaque fois l’ordre de se disculper est porteur de division. Ils se doivent d’être associés pour dénoncer le terrorisme. Les attentats de Paris devraient être un moment de recueillement de tous les Français. Rien ne saurait justifier. Il est important cependant de signaler que le terreau du terrorisme est celui du manque de perspectives de ces jeunes Français en pleine errance. La République intégratrice a le devoir de les récupérer.

1.http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2015-11-16-Paris

2.http://www.monde-diplomatique.fr/2014/ 10/GRESH/50885

3.Claude Jacqueline Herdhuin Mondialisation.ca, 15 novembre 2015

4.Bruno Adrie Mondialisation.ca, 14 novembre 2015 Le blog de Bruno Adrie

5.http://www.mediapart.fr/journal/france/141115/la-peur-est-notre-ennemie

6.Pierre Conesa: «C’est nous qui avons déclaré la guerre» Middle East Eye Novembre 2015

7.http://www.mondialisation.ca/dominique-de-villepin-a-propos-de-letat-islamique-6-minutes-dinteligence-et-de-lucidite/5489562

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