Firearms in the United States: A Hoax?

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Le 2 décembre 2015, 14 personnes ont été tuées et 21 ont été blessées dans une fusillade à San Bernardino, en Californie. C’est la fusillade la plus meurtrière aux Etats-Unis depuis 2012, quand 20 enfants et 8 professeurs avaient été tués dans une école élémentaire du Connecticut. Après cette nouvelle fusillade, Barack Obama a déclaré qu’il fallait renforcer le contrôle des armes à feu pour réduire les chances qu’un événement pareil se reproduise.

Les Etats-Unis sont en effet l’un des pays développés qui a le plus d’armes à feu par habitant. Ils ont aussi le taux d’homicide le plus élevé de l’OCDE (si on exclut la Russie, le Mexique et le Brésil). Il est facile de faire un lien entre les deux étant donné qu’il est beaucoup plus facile de tuer quelqu’un avec une arme à feu, qui est en moyenne treize fois plus efficace qu’une arme blanche pour tuer.

Alors est-ce que réduire l’accès aux armes à feu peut réduire le nombre d’homicides ? La réponse semble évidente et pourtant la recherche sur cette question est peu concluante !

Ainsi, les homicides ne sont pas systématiquement plus nombreux dans les Etats américains où il y a le plus d’armes à feu. Et la baisse du nombre d’armes à feu dans un Etat ne réduit pas non plus mécaniquement le nombre d’homicides.

Le cas des foires aux armes à feu aux Etats-Unis est très intéressant. Ces foires, similaires aux salons automobiles, permettent de montrer aux clients ébahis les armes dernier cri et, bien sûr, de les vendre. Même si cela varie selon les Etats, il est généralement plus facile d’acheter une arme à feu dans une telle manifestation qui évite tout contrôle de casier judiciaire. Si la vente d’armes à feu facilitait les homicides, on s’attendrait à une augmentation des homicides à proximité de ces foires dans les semaines qui suivent. Or Duggan, Hjalmarsson et Jacob (2010) montrent qu’il n’en est rien. Il n’y a donc pas de lien immédiat entre l’accès facile aux armes à feu et les homicides.

Un autre exemple édifiant est le cas australien. Après la mort de 35 personnes dans une fusillade en 1996, Canberra a interdit la possession de certains types d’armes à feu en 1997, que le gouvernement a racheté à leurs propriétaires. Ce programme a été massif, réduisant d’environ 20 % le nombre d’armes en Australie. Leigh et Neill (2010) comparent les Etats australiens où beaucoup d’armes à feu ont été retirées de la circulation à ceux dans lesquels les chiffres ont peu bougé. Dans les cinq ans qui ont suivi cette nouvelle politique, les résultats étaient sensiblement les mêmes dans tous les Etats. L’exemple australien montre encore une fois que réduire l’accès aux armes à feu ne réduit pas forcément le nombre d’homicides.

Comment expliquer ces résultats contre-intuitifs ? Pour mieux comprendre le rôle des armes dans les homicides, il faut savoir comment les criminels se les procurent. Le récent travail de mes collègues Jens Ludwig et Harold Pollack (avec Cook et Harris) examine la provenance des armes à feu confisquées aux criminels dans la ville de Chicago. Ils montrent que l’immense majorité des armes utilisées par des criminels ont été achetées (ou volées) sur le marché de l’occasion. L’âge moyen d’une arme à feu confisquée à un meurtrier est de dix ans.

Ainsi, limiter davantage l’accès aux armes à feu dans les magasins légaux pour acheter des armes neuves n’aura pas d’effet immédiat sur les criminels, qui ont tendance à utiliser du matériel de seconde main. C’est pourquoi il est si difficile de montrer un lien systématique entre l’accès aux armes à feu légales et les homicides. Si un tel lien existe, il passe par le marché d’occasion et peut prendre dix ans ou plus pour se matérialiser.

En conclusion, il n’est pas démontré que réduire l’accès aux armes à feu aux Etats-Unis va avoir un effet palpable sur le nombre d’homicides à court terme. Il ne faut pas pour autant arrêter de contrôler les armes. Elles restent l’instrument le plus efficace pour tuer : la limitation de la quantité d’armes en circulation peut étrangler le marché d’occasion, réduisant l’accès des criminels aux armes et in fine le nombre d’homicides à plus long terme.

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