Dollar : le retour bienvenu à l’orthodoxie
L’argent gratuit, c’est fini, du moins aux Etats-Unis. Et c’est tant mieux. La Réserve fédérale américaine (Fed, banque centrale) a décidé, mercredi 16 décembre, de relever ses taux d’intérêt d’un quart de point. Désormais, les banques américaines se feront des prêts à un taux compris entre 0,25 % et 0,5 %. Cette hausse sera suivie d’autres remontées progressives du loyer de l’argent, sans doute une par trimestre, sans doute d’un quart de point chaque fois. Dans trois ans, les taux devraient être revenus à la normale, de l’ordre de 3,25 %.
Le mouvement décidé à l’unanimité par la Fed est donc historique. Il s’agit de la première hausse depuis la grande crise de 2008 révélée par la faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers. A l’époque, la banque centrale américaine avait dû contrer la plus grande catastrophe financière que le monde ait connue depuis 1929 et maintenir la finance mondiale sous assistance respiratoire : des taux d’intérêt nuls et des liquidités injectées presque sans limite dans le système financier – du quantitative easing dans le jargon financier, la « planche à billets » en langage commun. A ce jour, la Fed a émis une montagne de dettes : 4 500 milliards de dollars.
Cette politique était nécessaire, mais il fallait en sortir. L’argent gratuit s’investit n’importe où, désoriente les investisseurs, crée des bulles financières qui peuvent se révéler très dangereuses. Le virage monétaire fut esquissé par le président de la Fed de l’époque, Ben Bernanke, dès le printemps 2013. Mais celui-ci a provoqué une panique sur les marchés émergents, gavés d’argent facile et aujourd’hui en récession. Résultat, la Réserve fédérale a dû agir très lentement, trop lentement, pour ne pas subir les foudres des marchés financiers. Elle a fermé progressivement le robinet à liquidités durant l’année 2014. Et décidé, enfin, d’augmenter ses taux ce mercredi.
Les circonstances macroéconomiques le justifient : la croissance américaine est correcte, de l’ordre de 2,5 %. Le taux de chômage a été divisé par deux et ne frappe plus que 5 % de la population active, même s’il s’explique aussi par une baisse de la participation des Américains au marché de l’emploi. L’inflation est encore trop basse, d’environ 0,2 %, loin de l’objectif habituel de 2 % des banquiers centraux. Mais elle devrait augmenter si les prix de l’énergie se stabilisent et si les salaires repartent enfin à la hausse.
Néanmoins, la planète monétaire n’est pas encore tirée d’affaire. L’expérience montre que les changements de cap peuvent provoquer une remontée brutale des taux d’intérêt à long terme, dont les conséquences se font sentir au bout de plusieurs années.
La politique de la banque centrale américaine offre un saisissant contraste avec celle pratiquée par la Banque centrale européenne (BCE). La première retourne à l’orthodoxie, tandis que la seconde a choisi de prolonger jusqu’en 2017 sa politique de quantitative easing et impose des taux d’intérêt négatifs aux banques pour les forcer à réinjecter leurs fonds dans l’économie. Cette divergence est logique, l’économie européenne étant moins robuste que celle des Etats-Unis. A court terme, le mouvement de la Fed devrait aider l’Europe : la hausse des taux outre-Atlantique devrait affaiblir l’euro, augmenter l’inflation en Europe et rendre moins indispensable l’activisme de la BCE. Il n’empêche, la zone euro devra, elle aussi, retrouver le chemin de l’orthodoxie, si elle ne veut pas provoquer de nouvelle catastrophe financière.
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