2015, the Year of Trump

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Il aura été au centre de toutes les attentions cette année : Donald Trump aura réussi son pari d’être dans la lumière médiatique comme jamais il ne l’avait été. Qu’il remporte ou non quelques primaires, voire qu’il gagne l’investiture du parti républicain, il aura, pendant de longs mois, occupé tous les observateurs politiques et semé la panique chez ses concurrents qui ne l’avaient pas vu venir. En juillet dernier, personne ne croyait qu’il passerait l’été mais il est toujours là, caracole en tête des sondages et parvient à imposer ses thèmes et surtout son ton de campagne. Bien sûr, les enquêtes d’opinion sont très différentes des primaires qui débuteront dans un mois : les premières permettent à tout un chacun de donner son avis sans que cela ne prête à conséquence, alors que les secondes sont décisives pour désigner celui qui – sauf énorme surprise – sera opposé à Hillary Clinton en novembre 2016. Dans un sondage, tout le monde s’exprime, mais dans une primaire, c’est le cœur de l’électorat du parti qui décide. Ce qui fait une grosse différence. La popularité qui est la sienne aujourd’hui ne signifie pas que les électeurs souhaitent vraiment voir Donald Trump arriver à la Maison blanche.

Qu’est-ce qui plaît tant chez Trump ? Avant tout, son rejet du système et des élites en place – dont il cherche à faire partie en se présentant à l’élection présidentielle, tel est le paradoxe. Il clame qu’il n’a de compte à rendre à personne puisqu’il se targue de financer lui-même sa campagne. Ce qui sera difficile car, bien qu’il soit milliardaire, il ne fait pas le poids face aux super PACs de ses principaux rivaux que sont Rubio, Cruz et Bush. Une campagne nécessite des publicités télévisées et une immense mobilisation de terrain, car il s’agit de séduire les groupes d’intérêt, le secteur marchand, les communautés locales et notamment religieuses et ethniques. Rappelons que le vote hispanique sera déterminant.

Les provocations du magnat de l’immobilier amusent, voire sont vues comme une forme de courage verbal : son racisme, sa misogynie, ses délires sur la Chine ou le Mexique font partie du show. Comme je l’ai dit avant l’été, Donald Trump est une sorte de Jean-Marie Le Pen américain : il aime être dans la lumière, il adore exercer sa verve. Plus on le critique, plus il est content. Mais de là à dire qu’il ait envie d’exercer le pouvoir, il y a un pas. Ce qui le motive, c’est la bonne marche de son business. C’est un homme d’affaires avant tout.

Sur un plan politique, il tire le parti républicain vers sa droite, vers ses extrémités populistes, notamment sur l’islam et le leadership économique des Etats-Unis dans le monde. Toutefois, concernant l’immigration, les questions de mœurs ou la fiscalité, ses adversaires sont tout aussi, voire davantage conservateurs mais, sous l’influence de l’establishment républicain, ils évitent les “sound bites” (“petites phrases”) car ils ont le souvenir du précédent de Mitt Romney et Paul Ryan.

La guerre contre le “politiquement correct”

Plus profondément, Donald Trump incarne l’assaut donné par les conservateurs américains au “politiquement correct”, assaut qui a redoublé depuis l’arrivée au pouvoir de Barack Obama en 2008. Selon eux, c’est le “politiquement correct” qui a guidé la politique d’Obama, notamment à l’égard de l’islamisme : il aurait été trop complaisant en matière de lutte contre le terrorisme par souci de ne pas heurter les musulmans du monde entier. En auraient résulté les attentats de Boston et de San Bernardino.

Le “politiquement correct”, c’est aussi la colorisation des élites, grâce à l’accès à l’éducation. Les Républicains attaquent ainsi l’affirmative action de toutes parts, avec succès. Cette société qui devient inéluctablement multiculturelle et multiconfessionnelle est inacceptable pour le cœur de l’électorat comme pour les leaders conservateurs, nostalgiques d’une Amérique blanche et protestante – et bien sûr patriarcale, comme l’illustrent les résistances à l’accès des femmes à l’avortement et le rejet du mariage homosexuel.

Les réticences des candidats à l’investiture républicaine à dénoncer le racisme de la société américaine – tuerie de Charleston, violences policières – et leur défense du drapeau confédéré – symbole de la période de l’esclavage – sont deux exemples récents particulièrement marquants. Le message d’union et de rassemblement de la nation américaine n’est pas, à ce jour, celui des Républicains qui jouent sur les peurs et misent sur les clivages sociaux. Avec ou sans Donald Trump.

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