Donald Trump, l’inavouable fantasme politique
Le spectacle du pire a-t-il une fonction cathartique? Le succès des débats télévisés qui mettent en scène les candidats à la primaire républicaine pourrait le laisser penser.
Les débats télévisés mettant en scène les candidats à la primaire républicaine aux Etats-Unis sont désormais les émissions les plus regardées de tous les temps. Mardi, le cinquième spectacle de ce type a attiré 18 millions de téléspectateurs et 800000 internautes dont l’unique motivation était de voir Donald Trump dans l’action même de réduire la conversation politique au niveau le plus bas jamais atteint dans ce pays. Fin août et début septembre, les deux premiers débats républicains avaient comptabilisé, respectivement, 25 et 24 millions de téléspectateurs.
Donald Trump est une formidable machine à générer de l’audience. A tel point que le prix du spot publicitaire de 30 secondes diffusé sur CNN en cours de débat a été multiplié par quarante, pour atteindre 150’000 dollars. C’est dire si les télévisions américaines ont un intérêt prépondérant à tendre le micro à cet énergumène.
On peut trouver répugnant que les médias, étroitement associés au processus démocratique, profitent financièrement de la nullité absolue des débats présidentiels. On peut surtout faire le constat que la politique, de nos jours, ne génère de records d’audience qu’à condition de mettre en scène la bêtise la plus infâme.
Alors bien sûr, le spectacle de la turpitude, de tout temps, a fasciné les hommes. Et sans doute cette fascination est-elle décuplée par l’importance des enjeux. En l’occurrence, la présidence des Etats-Unis, le pays le plus puissant de la planète, pourrait être confiée à la créature politique la plus obscène qui soit. Avec un tel pitch, qui n’a pas envie de regarder ce cauchemar advenir en direct?
Mais peut-être, aussi, y a-t-il un effet cathartique à s’offrir le spectacle du pire. C’est l’apparition de Frank Underwood au cours d’un spot télévisé à 150000 dollars qui me l’a fait penser. Mardi en effet, Netflix, le producteur de “House of Cards”, a annoncé la quatrième saison de sa série en diffusant un faux spot de campagne présidentielle durant le débat républicain. Son personnage principal est un politicien machiavélique qui accède à la présidence des Etats-Unis en usant sans scrupule de méthodes répréhensibles, voire criminelles.
A l’heure où le pouvoir politique ne semble d’aucun recours face à la complexité systémique des crises économiques, des menaces sécuritaires ou des dérèglements climatiques, imaginer ce pouvoir détenu par des personnages monstrueux, sans limites et sans sur-moi, comme Donald Trump ou Frank Underwood, a peut-être quelque chose de paradoxalement rassurant. Dans les plus hautes fonctions institutionnelles, l’usage de méthodes ou de pensées non-conventionnelles peut-il être efficace? De tels fantasmes reviennent à souhaiter un monde meilleur à n’importe quel prix, fut-il celui du crime, de la bêtise ou du populisme. Ils sont la manifestation d’un profond désespoir collectif. A ce stade, il ne reste donc qu’à espérer que ces fantasmes ne trouve jamais à se réaliser dans un véritable processus électoral.
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